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Quels usages pour la blockchain dans le secteur culturel ?

April 12, 2022

Interview de Clément Jeanneau et Antoine Yeretzian, cofondateurs de Blockchain Partner

Delight s’est rendu à Viva Tech le 15 juin dernier et a eu l’opportunité d’interviewer Clément Jeanneau et Antoine Yeretzian, cofondateurs de Blockchain Partner*. Nous entendons régulièrement parler de la blockchain pour son application dans des secteurs tels que la finance, l’énergie, ou l’industrie. Mais cette technologie offre également un potentiel intéressant pour le secteur culturel. Blockchain Partner nous a éclairé sur le sujet.

Qu’est-ce que la blockchain ? Quels sont ses apports et cas d’usage ?

La blockchain est un protocole informatique qui permet l’échange de pair à pair, c’est-à-dire sans intermédiaire, de façon transparente et sécurisée. Il s’agit d’un réseau décentralisé, qui est réparti sur des milliers de noeuds dans le monde entier. Si un noeud est détruit, cela ne change rien au réseau car les autres noeuds détiennent la base de données. Ses principaux apports sont la transparence, la décentralisation, la sécurisation et l’automatisation des données. C’est la raison pour laquelle la blockchain a très tôt été utilisée dans le cadre de transferts d’argent ou de cryptomonnaies entre individus et entreprises.

Et est-ce vraiment inviolable ?

La blockchain ne résout pas tous les problèmes de vulnérabilité. Les transferts sont inviolables, les points de vulnérabilité se situent aux entrées et aux sorties. Il faut identifier qui rentre et sort la donnée, ce qu’on fait de la donnée, et qui sont les acteurs. Les tiers de confiance (qui entrent et sortent les informations) vont écrire les règles du jeu. Cependant, la copie des informations sur tous les noeuds de la chaîne rendent la falsification extrêmement difficile.

Quels sont ses domaines d’application ? Et quel est son niveau de maturité ?

Les domaines d’application de la blockchain les plus avancés sont la finance et la banque avec le bitcoin. L’assurance, l’aéronautique, et le secteur du transport sont très avancés dans la phase d’expérimentation, mais ne sont pas encore passés en production. L’énergie commence les expérimentations, tandis que l’industrie culturelle débute sa phase de sensibilisation sur le sujet. Les niveaux d’avancement des projets blockchain dépendent également des cas d’usages. L’ancrage et la traçabilité fonctionnent très bien, tandis que les « Smart contracts » commencent à être expérimentés. Pour l’industrie culturelle en revanche, tout reste à faire.

Le succès de la Blockchain repose-t-il sur l’uniformisation ? Les pouvoirs publics ont-ils un rôle à jouer en ce sens ?

Le bouillonnement et la multiplication des idées est plutôt sain et encourage l’innovation. A terme, il y aura un certain nombre de standards et de protocoles. Difficile d’envisager un seul et unique protocole, mais ce n’est pas forcément souhaitable. Le grand défi reste cependant sur l’interopérabilité entre les différents protocoles blockchain.

Nous attendons des pouvoirs publics qu’ils mettent davantage en avant les chercheurs et les startups de pointe. Nous souhaitons que la France lance des expérimentations publiques comme d’autres pays ont commencé à le faire, pour montrer concrètement que le pays s’y intéresse.

Quels seraient les usages de la blockchain pour l’industrie culturelle ?

Pour l’industrie musicale par exemple, les principaux usages seraient de fournir une base de données sécurisée (registre) pour les droits d’auteurs et d’en automatiser la gestion via des smart contracts. Elle permettrait d’apporter de la transparence dans une chaîne de valeur aujourd’hui opaque, et de permettre aux artistes de mieux connaître leur public (à ce sujet, voir l’étude Industrie musicale et blockchain).

De nombreuses contraintes techniques restent cependant à lever. Le registre, accessible à tous en lecture, ne serait cependant accessible en écriture qu’à une minorité d’acteurs. Aussi, l’existence du hash cryptographique n’empêcherait pas en lui-même la copie des titres.

Qu’en est-il de son application pour la billetterie en ligne ? Permettrait-elle de réguler le marché secondaire ?

Le problème du marché secondaire est que les opérateurs ne veulent pas le prendre en charge car il rapporte peu, et qu’ils seraient débordés par le marché noir. L’idée serait de créer une infrastructure saine, peu coûteuse, que les gens pourraient utiliser pour acheter et vendre leurs billets sur le marché secondaire, tout en garantissant la traçabilité.

Les technologies des billetteries permettent la transaction d’actifs, propriété native de la Blockchain. Son utilisation serait donc techniquement adaptée. Cependant, reste à déterminer les conditions afférentes à la revente des billets. On pourrait imaginer que les billets soient reliés à des smart contracts, que les acteurs définiraient en amont.

Et l’application de la Blockchain dans le Yield Management ?

En tant que plateforme commune de transfert de valeur, la blockchain s’adapterait tout à fait au Yield Management. Reste à déterminer les conditions de son application. Cela implique que toutes les parties prenantes se mettent d’accord sur les stocks, les prix, la demande, l’offre, le marché secondaire… La challenge n’est pas tant technique, mais plutôt de savoir qui écrira les règles du jeu.

* Blockchain Partner est né de la récente fusion entre Blockchain France (conseil et formation) et Labo Blockchain (développement technique), et se positionne comme le leader du conseil sur les technologies Blockchain, et constitue un tripôle d’expertise permettant d’identifier des cas d’usage Blockchain adaptés à chaque organisation, de développer des solutions techniques ou encore d’évaluer la mise en conformité des projets blockchain à la réglementation.

Quels usages pour la blockchain dans le secteur culturel ?
Eric de Rugy
Eric est l’un des spécialistes français de la communication marketing intégrée. En 2015, il a cofondé Delight, qu’il préside et dont il supervise la stratégie. Il préside également la fédération des Jeunes Organisations Innovantes de la Culture et de l’Entertainment (JOICE), qu’il a aussi cofondé, afin de faire entendre la voix des start-ups dans l’écosystème de la culture. Il a présidé pendant 12 ans le club Marketing & Com d’HEC Alumni.
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