Chacun connaît l’arbitraire et les arrière-pensées politiques qui nourrissent le choix des personnalités auxquelles échoit l’insigne honneur de faire partie des gloires de la république française. L’entrée de Joséphine Baker y est symbolique à plus d’un titre. Femme, noire, résistante, humaniste, ses attributs la qualifiant pour cette gloire ont été largement commentés. Mais peu de gens ont souligné le fait qu’il s’agit d’une artiste de la scène, autrement dit une saltimbanque, la première à faire son entrée sous cette auguste voûte.
Le spectacle vivant a rarement été en odeur de sainteté au cours de l’histoire, frisant même l’excommunication à certaines époques et encore maintenant dans certains pays. Alors pourquoi autoriser cette personnalité inattendue, qui a fait pousser des cris d’orfraie à plus d’un-e traditionnaliste ? Sans doute faut-il y voir l’effet de l’hybridation des comportements… et de la perception que les gens en ont. Depuis le début des années 2000, on ne regarde plus quelqu’un comme un individu, c’est-à-dire un être indivisible, fait d’une pièce. On s’intéresse davantage à la personne à travers ses différentes facettes, actuelles et passées, personnelles et professionnelles. Cette approche, favorisée par la montée en puissance des réseaux sociaux qui mettent en lumière lesdites facettes, a eu des effets directs sur la logique de ciblage dans le marketing par exemple. Même si l’on voit renaître aujourd’hui des modes de pensées simplificateurs, qui tentent de réduire l’individu à des caractéristiques ou à des convictions normées et prétendument cohérentes, il y a peu de chances pour que ce mode de ciblage, plus pertinent et plus efficace, disparaisse du paysage.
Des facettes, Joséphine Baker n’en manquait pas. Alors si cet ensemble de traits de personnalité ont permis à cette femme d’exception qui est aussi une saltimbanque d’entrer au Panthéon, ne boudons pas notre plaisir et célébrons l’entrée de la culture populaire et de la scène dans ce cénacle républicain.