Saison 2

S02E04 - Christophe Sabot, Président d’Olympia Production (Vivendi)

Dans cet épisode, on part à la rencontre d’un homme de média qui est depuis toujours amoureux de live. Christophe SABOT, Président de Olympia Production, la structure de production de spectacles de VIVENDI a en effet dirigé notamment CHERIE FM, NRJ, EUROPE 2 devenue VIRGIN RADIO, MCM et dirige toujours D17. Il produit des spectacles depuis toujours et se retrouve aujourd’hui à la tête d’une des plus grandes « boite de prods » humour et festivals, après avoir racheté notamment GAROROCK et LES DEFERLANTES. Bonne écoute <3

Sold Out Christophe Sabot Olympia Production

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SOLD OUT - Saison 2, épisode 4

Christophe Sabot, le touche-à-tout du monde des spectacles et des médias

Au gré de leur parcours professionnel, toutes les femmes et tous les hommes qui font vivre le spectacle vivant ne restent pas systématiquement dans l’ombre. Question de choix, mais aussi d’opportunités. Le talent, le flair de ces magiciens, leur capacité d’entraîner des équipes derrière eux, les prédestinent parfois à se faire remarquer de grands groupes qui ont besoin de ces compétences hors normes pour piloter des activités plus créatives au sein de leur organisation.

L’invité de ce quatrième épisode de SOLD OUT, le podcast de Delight, est une personnalité qui illustre bien cette complémentarité unique très recherchée par les grands conglomérats du secteur. Comment vendre un spectacle, mais aussi, en amont, comment le produire et le façonner pour qu’il puisse rencontrer son public, sont des compétences qui ne sont pas données à tout le monde. Touche-à-tout précoce, Christophe Sabot a été organisateur de concerts, producteur et éditeur musical, patron d’une maison de disques, mais aussi directeur de grandes stations de radio nationales, et il a aussi participé à l’aventure Canal+. Comment vit-on ces passages entre l’artisanat et l’industrie, comment fait-on pour que l’un nourrisse l’autre, et comment vit-on les contraintes des petites structures ou des très grosses ? C’est ce grand écart professionnel, mais aussi philosophique, que nous avons le plaisir de défricher avec un grand professionnel du spectacle vivant et des médias.

Episode 4 – Christophe SABOT

Président d’Olympia Production, filiale du groupe Vivendi, qui possède également la mythique salle de l’Olympia, boulevard des Capucines (Paris 1er)

Enregistré dans les bureaux de Delight à Paris à l’automne 2020

Aujourd’hui on va partir à la rencontre d'un personnage qui a plutôt fait sa renommée à travers les médias puisqu'il a dirigé des très grosses radios comme NRJ, Europe 2, qui est devenu Virgin Radio, et il a aussi dirigé d'ailleurs MCM, chaîne de télévision musicale. Malgré tout, vous allez voir que le spectacle vivant n'est jamais très loin du parcours de Christophe Sabot. Il est aujourd'hui d'ailleurs président d’Olympia Production, la boîte de prod de Vivendi qui possède aussi l'Olympia, mais il a une passion viscérale un pour la scène. Je crois qu'on le voit dans son parcours à chaque étape, vous allez vous allez voir ça.

On est ravi de tendre le micro à Christophe qui est un personnage très riche et qui va nous apprendre plein de choses. On en a besoin parce qu’on sent que la lumière commence tout doucement à revenir, des perspectives se tracent et, plus que jamais, on a besoin d'entendre celles et ceux qui font le spectacle vivant. C’est le but de SOLD OUT.

Christophe Sabot, premier billet vendu ?

Je pense que je devais avoir 15-16 ans. C’était un concert que nous avions organisé dans un parc municipal de la ville de Bagnols-sur-Cèze dans le Gard où je suis né. Le parc s’appelait le parc du Mont Cotton.

Dernier billet vendu ?

Hier soir. Le pointage, qui est le pointage habituel que nous avons fin de journée où on regarde les billets vendus par Vitaa Slimane, Daviou, la Marche Bleue, Roman Frayssinet…

Je m’appelle Christophe Sabot, je suis Président d’une société qui s’appelle Olympia Production, qui est une société de production de spectacles.

Bonjour Christophe Sabot. Alors on va parler de ton parcours pour savoir comment un jeune homme qui est du Gard est devenu directeur général d'une des plus grosses sociétés de production de spectacles de France, et on va bien sûr parler du contexte. Si on commence tout le début, avant NRJ, j'ai essayé de chercher plein de choses, je n'ai pas forcément trouvé sur internet avant de t'interroger. J’ai vraiment envie de savoir d'où vient cette passion pour le spectacle et tout ce que j'ai trouvé, c'est que tu étais diplômé d'une licence d’AES (Administration Economique et Sociale – ndlr), c'est ça ?

Oui.

… parce qu'il fallait le faire, je présume.

J'ai fait ça pour mes parents continuent à me payer l'appartement que j'avais à Montpellier.

Et parallèlement à ça, tu étais déjà très passionné de médias, de contenus, de live ?

Oh, moi je fais partie de véritablement de ce qu'on appelle les enfants de la FM. J'ai eu 60 ans il y a quelques jours. Le démarrage était assez simple : moi, j'ai vécu assez longtemps tout seul dans une grande maison perdue au milieu d'une pinède et au milieu des vignes. Clairement, hormis les livres et la musique, je m'ennuyais fortement. Alors j'étais très content d’aller à l'école parce qu'il y a beaucoup de filles. Mais pour séduire les filles, pour faire la différence, il y a ceux qui jouent au football et puis il y a ceux qui font de la musique. Donc, à 14 ans, on a fait un groupe. On a commencé à faire les boums, on a commencé à faire ce genre de choses. Et puis je me suis rendu compte que j'étais un vraiment piètre musicien, et je me suis dit qu'il fallait que je passe de l'autre côté. Passer de l'autre côté, ça a commencé par passer derrière une console, puis me faire payer un Revox en ayant fait quelques vendanges. A partir d’un Revox, commencer à faire des enregistrements et puis me dire que j'avais en fait monter un label de disques.

Quand j'ai eu mon bac, mon papa, qui était chef d'entreprise et qui avait un très très beau négoce de vins, m'a dit « mon fils, tu seras aussi comme moi négociant en vins ». Eh bien non, ce n’était pas ce qui était prévu, dans tous les cas ce n'était pas ce que je souhaitais. Nous sommes allés à Montpellier avec ce groupe parce qu'on s'était juré de faire quelque chose ensemble. Moi, j'ai commencé à les produire et donc on a monté un label, qui était un label indépendant, qui s'appelait à l'époque Christito Records et j'ai signé un premier groupe, qui s'appelait les Arrache-Cœurs qui étaient des copains d’enfance, qui était le groupe dans lequel j'avais joué. Et en 1978, on a eu une critique de Philippe Manœuvre dans Rock&Folk, qui était à tomber par terre. On était gamins, on a pleuré quand on a reçu le Rock&Folk, qui nous comparait, qui disait que c'était quelque chose comme « entre Prince et Talking Heads ». On était tellement fiers ! Et c'est comme ça que ça a démarré, parce que j'ai commencé après à produire des petits groupes en indé, à monter mon label. Mais quand on monte un label et qu’on est en 1978, il n'y a pas de moyen véritablement de diffusion radio, donc je faisais un petit peu le tour des radios mais je me faisais jeter, c'est normal. Et puis en 81, on a commencé à avoir des radios arriver, j'avais 21 ans. Quoi de mieux pour pouvoir passer sa musique que de rentrer dans une radio, et en rentrant dans une radio, ben c'était le début, donc quand c'est le début, il y a de la place. Et puis assez rapidement je me suis retrouvé à diriger une radio, et puis c'est parti.

Ce qui est aussi extrêmement marquant dans ton parcours, c'est cet amour absolu des artistes d'un côté, et ce respect ou cette maîtrise totale du marketing. Pour toi, ça n’a jamais été un gros mot, le marketing ? Parce que souvent on oppose intention artistique et outils marketing.

Non parce que – pardon pour la formule qui peut paraître un peu… – je crois que l'homme est marketing. Quand on se lève le matin, on se regarde dans une glace, il y a une intention ; quand on ouvre un placard, il y a une intention ; quand on se comporte dans la rue, il y a une intention ; quand on achète une voiture, il y a une intention. C’est pour ça que je dis que l’homme est marketing. Chaque individu, quelque part, veut être vu… Quand on quand on parle d'une cour d'école on dit d’un gamin, d’une gamine qu’il veut être populaire. C'est du marketing, donc ça fait partie de la vie de chacun. Après on théorise comme on veut. Quand vous prenez n'importe quel artiste, il dirait qu’instinctivement qu’il est marketing. Instinctivement, quand il fait le choix d'une pochette, quand il fait le choix d'une thématique sur un texte, quand il fait le choix d'un instrument, c'est marketing. Je n'ai aucune réticence par rapport au marketing ce n’est pas un gros mot pour moi.

Ces 11-12 années passées dans le groupe NRJ de 89 à 2001 ont été uniquement dévolues à la radio, aux médias, à l'internationalisation ou on voyait déjà la scène se pointer un peu ?

Oh moi, j'ai fait des rencontres fabuleuses, j'ai fait des rencontres fabuleuses parce que c'était une génération… Rencontre et voir évoluer quelqu'un comme par exemple comme Thierry Suc qui est l'un des producteurs que j'admire véritablement… Le travail qu'a fait Thierry avec les artistes et la société TS3 qu'il a montée, c'est brillant. Quand je suis arrivé à NRJ, on a commencé à faire des concerts. Pourquoi ? Parce que les grandes radios, ça ne les intéresse pas, la musique. Quand Jackie Lombard, pour moi la plus grande productrice de ce pays – c'est une femme, la plus grande productrice du pays c'est une femme, ce n'est pas un homme, c'est une femme – quand Jackie a commencé à nous amener des concerts, bien évidemment qu’on s’est jeté là-dedans. Quand on a piqué les Rolling Stones RTL, j'imagine la tête de George Lang à l'époque, mais quand on a commencé à faire, et qu’on est arrivé au paroxysme avec Michael Jackson au Parc des Princes, c'était géant. Et en parallèle, parce que c'était important, on a monté NRJ Music Tour.

Alors attends, quand tu dis « on a fait Michael Jackson », c'est un partenariat, c'est-à-dire que tu as accès à tout, mais NRJ n'a pas grand-chose à voir avec la manière dont ça se passe vraiment, à part le médiatiser.

On avait 3 manières d'aborder la musique. Première partie ,c'était le partenariat, donc tous les grands concerts : Michael Jackson, et ainsi de suite…

… les échanges de logos…

… et bien évidemment les accès par des particuliers. Mais en même temps cela nous permettait d'apprendre et de voir. Le deuxième volet, c'était les NRJ Music Tours, où nous faisions tourner au travers de la France, sur des plateaux radios, la plupart du temps de jeunes artistes et, petit à petit avec le développement, des artistes confirmés. La troisième chose, ce sont les grandes manifestations que nous sommes organisées. Pour moi, la plus importante celle que j'ai vécue, c'est le concert place de la nation en 1991 qui était un concert absolument pfff… On a appelé ça « le Concert pour la Liberté ». C'était les images qu'on voyait à l'époque, c'était donc le président Eltsine qui était sur un char devant la Maison Blanche mais la Maison Blanche à Moscou, ce grand immeuble assez beau architecturalement, et on avait fait un concert à Paris. Ce concert était gratuit, il était sur la place de la Nation et il y avait David Bowie, il y avait Johnny Hallyday, c'était dingue c'est dingue !

Ça, on se dit « c'est nous qui l'avons fait ! »

C'était absolument extraordinaire. Comme quand on a fait, plus tard, le concert de SOS Racisme sous la Tour Eiffel. Ce sont des choses comme ça qui vous marquent à vie.

Si je comprends bien, tout est là, l'ADN est là. On fait des trucs énormes, on apprend en regardant Michael Jackson et les gros trucs, on produit des petites choses qui tournent partout mais on apprend énormément et le public et là c'est génial, et il y a ce concert place de la nation qui est exceptionnel mais ça reste du gratuit. Il faut passer par Lagardère à partir de 2001 pour que le modèle commence à pivoter vers le payant ?

On a pivoté vers le payant de manière extrêmement simple. On n'avait pas la même puissance radio pour commencer, et la deuxième chose, c'est …

… quand tu arrives chez Lagardère en 2028. En gros, tu quittes le groupe NRJ et tu deviens le patron de RFM et de ce qui s'appelait encore à l'époque Europe 2, ou c'était déjà Virgin Radio ?

C’était Europe 2, on appelait ça le pôle musique, parce qu’après on m'a demandé de m'occuper des chaînes musicales MCM. Là on était face une autre problématique c'est-à-dire que quand je suis arrivé chez Lagardère, j’ai demandé à Jérôme Langlais qui était NRJ avec moi, de m'accompagner.

Jérôme qui était dircom à l'époque…

Tout à fait. Et avec Jérôme, on avait une problématique de budget et surtout de manque de puissance par rapport à NRJ, parce qu'à l’époque, Europe 2 devait faire à peu près la moitié de l'audience de NRJ, et on avait une chaîne, que je gérais en même temps, qui était MCM. Et on s’est dit, il faut qu'on tourne autour de cette problématique en se disant que, en même temps avec l'appui de la régie, il faut qu'on trouve un modèle économique si on veut passer un cap qui est un cap de puissance. Parce que l'image c'est bien, mais on atteint un plafond assez rapidement dans les revenus si on ne vend que de l'image. Donc on cherchait la puissance. Pour chercher la puissance, on a commencé à développer les Europe 2 Live qui, dans un premier temps, été des concerts qui étaient financés par des marques. Ça a été un concert à Bercy avec Lenny Kravitz, avec Placebo, avec Indochine. On mettait deux scènes dans Bercy, c'était en direct sur MCM…

Et ça c'était gratuit ?

Ça c'était gratuit, mais payé par des marques.

Payé par des marques. Je me souviens, ce soir-là j'étais assis à côté de Jérôme Langlais, un de tes principaux collaborateurs à l'époque, il grillait clope sur clope – on avait droit de fumer à Bercy à l'époque –, tu sais pourquoi ? parce qu’il y avait un couvre-feu à Bercy, il fallait rendre Bercy à minuit ou à 1h du matin et chaque seconde de retard le rendez dingue. Je crois que depuis, il en a vu d'autres…

Oui, je pense (rires). Et puis après, on est passé à autre chose, notamment avec les Virgin Live, que l'on a faits au Parc des Princes et là c'était payant.

Avec Mathieu Chédid.

Oui, Mathieu Chédid. Il y a eu Tears for Fears, Garbage… Moi, quand après j'ai quitté Lagardère, il y avait deux projets qui étaient en cours que Jérôme a mené de manière brillante comme il mène de manière régulière ses projets, à savoir le Virgin live avec Mika et puis – ce n’est pas faire offense aux équipes qui ont récupéré tout ce qui était autour des années 80 – mais la marque au départ s’appelait RFM Party 80, une marque que nous avions lancée avec Jérôme et qu’Olivier Kieffer a su reprendre avec talent, mais c'est nous qui avons qui l’avions lancée…

… qui est devenue Stars 80.

Et Jérôme avait envie de faire un Stade de France, et un Stade de France c'est fait et c'est à partir de là que Stars 80 s'est développé.

Là c'est le moment où tu es devenu un vrai producteur de spectacles en réalité : tu prends des risques, tout ça avec une billetterie…

Le premier concert que j’ai produits payant, c'est en 1979, et j'ai commencé à produire des concerts dans une salle à Montpellier qui s'appelle le Rockstore. Je me souviens de ma première énorme, mais énorme plantade. Je n'avais pas du tout fait attention sur le calendrier, ça vous apprend… A l'époque il y avait un groupe que j'aimais bien qui s'appelle Lili Drop – ils avaient un single qui était Sur ma mob – et je loue le Rockstore. J’avais trouvé une première partie qui était une première partie locale… Imbécile que je suis, c'était un soir ou l'Equipe de France de football jouait !

Mauvaise idée…

Très très très mauvaise idée !

Tu continues en parallèle à faire ça depuis 79 ?

Ah oui. On donne des concerts, on en a produit, j'ai aidé pas mal de copains, j'ai continué à produire.

Donc ces Europe 2 live dans les Parc des Princes n'était pas du tout les premières expériences vraiment avec des P&L dédiés…

Non, non, moi le premier concert que j’ai produit, j'avais 19 ans c'était – je ne veux pas faire « vieux con » – mais c'est vrai que les circonstances, les conditions étaient différentes d’aujourd'hui.

Jingle

Donc vous avez appris tout ça, vous avez développé des chaînes, etc., il y a eu une période 2008-2009 où vous êtes retourné à NRJ, et 2010, Bolloré !

Ce qui s'est passé – on fait des ereurs dans sa vie, et j'ai beaucoup appris beaucoup appris de celle-ci – c'est que, sur un coup de tête, j'ai quitté le groupe Lagardère et je pense que sur cette période-là, avec tout ce que j'avais connu, parce que j'avais pas connu un seul échec dans ma vie professionnelle, je me suis dit « NRJ est en difficulté, je dois à Jean-Paul Baudecroux et à Max Guazzini ce que j'ai fait dans ma vie professionnelle, donc je vais le rendre et je suis en capacité de pouvoir remonter ce groupe ». Eh bien non, c’était stupide. J'étais parti il y a 10 ans, je suis revenu 10 ans après… On ne revient pas, c'était une erreur. Donc on s'est disputé assez rapidement, ça a été long pour eux, ça a été long pour se séparer mais je suis parti. Quand je suis parti, il y a quelqu'un que je connaissais parce qu'on avait fait pas mal de choses avec lui, des partenariats et je venais de terminer la production d'une comédie musicale avec Pascal Nègre, Jean-Claude Camus et Kamel Ouali, qui s'appelait Cléopâtre. A cette occasion-là, je croise de manière un peu plus régulière Pascal Obispo, et Pascal un jour me dit « écoute, j'ai envie de passer un cap, il y a beaucoup de choses que tu connais, il y a des choses que je ne connais pas forcément, associons-nous ». Pascal m’a dit : «je cherche un manager et en même temps je voudrais qu'on fasse ensemble une société de production ». Ce qui veut dire que je me suis totalement désintéressé aux médias à partir de l'été 2009. Sauf que ça a duré 3 semaines et j'ai eu un coup de téléphone du groupe Lagardère qui m'a demandé de faire des missions. Donc j'ai commencé à faire des missions en Pologne, en Russie, en République tchèque, en Roumanie, missions extrêmement intéressantes et enrichissantes parce que c’était des marchés que je ne connaissais pas, je connaissais d'autres marchés sur NRJ, et en parallèle je travaille Pascal. On a commencé à faire un album et une tournée ensemble, et j'étais vraiment pris par ça.

Quand la mission s'est arrêtée au bout d'un an avec le groupe Lagardère, j’ai été contacté, par l'intermédiaire de quelqu'un que tu connais qui s'appelle Constance Benqué, par Yannick Bolloré. Il était en train de racheter au groupe Lagardère une chaîne à laquelle j'avais participé puisque c'est moi qui l'avais défendue auprès du CSA à l'époque en 2005. A l'époque elle s'appelait Virgin 17. Je me suis retrouvé après dans le bureau de Yannick Bolloré qui m'a dit : « je cherche quelqu'un pour lancer la chaîne ». Je lui ai dit : « moi, les médias ne m'intéressent plus, j’y ai passé ma vie ». Il me dit : « je cherche juste quelqu'un qui est là et qui fait du consulting ». Je lui ai dit : « oui, mais je travaille avec Pascal Obispo, je m'amuse comme un gamin, je reviens à quelque chose qui me rappelle presque quand j'avais 19 ans ». En fait il m'a permis – merci à la fois à Pascal Obispo et à Yannick Bolloré – pendant à peu près 18 mois, d'un côté de participer au lancement de ce qui était à l'époque Direct Star, et de l'autre côté de participer à trois albums et quatre tournées de Pascal.

Donc c'était un moment fascinant là aussi parce que tu avais tous les bonheurs sans les inconvénients.

C'est tout, et puis on partir du moment où tout a été vendu à Canal+ – je suis donc je suis canal je crois qu'en 2013 ou 14, je sais plus – je continue à travailler Pascal puisque là aussi la famille bolloré me laissait à la fois être chez Canal et à avancer sur ce qu'on appelait D 17, et de l'autre côté de continuer à travailler avec Pascal à faire des albums. Puis est arrivée un jour la décision de Vincent Bolloré qui se dit : « je souhaite qu’on monte une société de live, on va l'appeler Olympia Production. Et il y a qui dans le groupe pour le faire ? Et puis il y a un mec là-bas au fond chez Canal qui connaît peut-être un petit peu le métier, on va la confier à Sabot ».

Mais mon petit doigt me dit que tu as peut-être aussi aidé Vincent Bolloré et ses équipes – Simon Gillham et tous les gens autour de lui – à comprendre le marché et l’impérieuse nécessité de créer une société qui produit des contenus et pas seulement qui fasse du ticketing ou du média.

Il y avait une volonté. Les premières discussions ont débuté entre Pascal nègre et Vincent Bolloré, c'était le début. On sait que Pascal Nègre a quitté Universal et Vivendi assez rapidement, mais je pense que l'évolution est le fruit de cette discussion, c'est-à-dire que Pascal à très certainement fait germer un certain nombre de choses dans la tête de de Vincent Bolloré, et comme Simon Gillham est quand même extrêmement proche de Vincent Bolloré, des échanges ont été faits. Quand Pascal Nègre est parti, il a été remplacé. A partir de son remplacement par Olivier Nusse, la question du live est devenu beaucoup plus prégnante et là, les discussions ont commencé à progresser, les grandes lignes du projet se sont précisées.

Et toi, tu étais partant pour te réinvestir complètement dans un tel projet, j'imagine, que celui d’Olympia Prod.

Moi ce qui m'a amusé, c'est que cela me permettait de faire un pont. Pourquoi ? Quand on a avancé sur le projet, il n'y avait une jeune femme qui, aujourd’hui, fait vraiment partie de mon premier cercle et que je trouve absolument extraordinaire, qui s'appelle Émilie Kindinis. J’ai rencontré Émilie qui était et continue toujours à être la personne la plus proche de Florence Foresti. En discutant avec Émilie, je me suis rendu compte qu’il fallait tout de suite démarrer l’humour. Pourquoi ? Parce que quand on a la volonté de développer une entreprise alors que ce marché est structuré depuis 30 à 40 ans, il faut trouver des points d'entrée différenciant, et faire une force de notre alliance avec Canal, faire une force des liens que nous avons avec Universal et ainsi de suite. Donc, plutôt que de ne faire que de la musique, j'ai demandé à ce qu'on s'oriente tout de suite sur deux choses : l'humour et les festivals, et ne pas faire que du tour. C'est pour ça que nous avons démarré dès le départ pas comme une société de production normale. Quand vous regardez bien, au regard de de nos concurrents nous sommes différents. Il n'y a pas de fierté ou autre, c'est juste que l'analyse que nous avons faite au préalable du marché nous amenait justement à chercher cette différence. Live Nation fait un peu d'humour et un petit peu de festivals, nous faisons de l'humour de manière assez massive et nous sommes très très présents dans les festivals. On est beaucoup moins présent dans le tour, dans les tournées de musique, que tous les autres, mais par contre on fait beaucoup de développement. On a énormément investi sur les marchés locaux, et ça je le dois à quoi à mon passage à NRJ, parce que la vertu du local, je l'ai apprise là-bas.

Et pourtant, on ne peut pas ne pas parler des critiques des festivals indépendants, des gens indépendants qui disent « c'est terrible parce qu'on ne peut plus exister tout seul, ils rachètent festival après festival. Que penses-tu de cette discussion – qui était un petit peu aussi celle des libraires indépendants par rapport à la Fnac –, de l'indépendance par rapport à la concentration ?

C'est un éternel débat. Dans tous les cas de figure, on sait qu'il y a toujours des seuils, que dans la concentration il y a toujours une limite. Ce que je regarde, c'est que peut être ce qui se passe, on peut dire toutes proportions gardées, dans le spectacle vivant, c'est ce qui s'est passé par exemple dans l'industrie de la musique. Il y a quelques années, on pensait que les majors tueraient tout, ce n’est pas le cas.

C'est même presque le contraire…

Because est une création d’Emmanuel de Buretel et c'est juste fantastique. Ce qu'a fait Believe, ce n'est pas parti d'une major et Believe a inventé un modèle. Mais c'est la même chose pour Tôt Ou Tard avec Vincent Frèrebeau, c'est la même chose pour Wagram. Il y a des indépendants aujourd'hui qui sont extrêmement puissants mais c'est la même chose en même temps dans le cinéma. Donc je comprends qu’il y ait des craintes, elles sont légitimes, on les entend. Mais quand on regarde la manière dont on travaille – et j'ai appris puisque j'ai passé toute ma vie dans les groupes – à gérer ces craintes-là et à les devancer… Tous les gens avec lesquels nous travaillons aujourd'hui sont en fait des anciens indépendants. Si on regarde la manière dont on travaille par exemple avec les Déferlantes, qui est le premier festival véritablement important que nous avons racheté à Argelès-sur-Mer, ce que j'ai dit dès le départ au fondateur, qui s'appelle David Garcia, je lui ai dit : « je ne suis pas Catalan, j'habite Paris, tu habites à côté d’Argelès, je ne viendrai pas passer ma vie ici, je ne connais pas le maire d’Argelès-sur-Mer et je ne connais pas tous les réseaux locaux. Ce qui veut dire que, si nous travaillons ensemble, je ne cherche pas un directeur artistique, je cherche un patron, c'est-à-dire que ce que nous allons t’amener, ce sont bien évidemment des fonds mais c'est surtout la possibilité de te développer. Tu es un entrepreneur et ce qui nous intéresse, ce sont les entrepreneurs. A la différence de beaucoup d'entreprises qui rachète des petites structures où vous voyez au bout de 6-8 mois ou quand les gens ont touché leur earn out, les gens dégagent. Cela n’a jamais été ma philosophie et j'ai appris ça aussi d'énergie que les historiques sont importants parce qu'ils ont la mémoire. Il faut respecter la mémoire parce qu'une entreprise qui perd sa mémoire, c'est une entreprise qui a perdu son ADN et qui part à la dérive. On le voit aujourd’hui en médias, beaucoup d'entreprises ont perdu leur mémoire, elles n'existent plus et le public le sent. Pour garder la mémoire, que ce soit pour les Déferlantes, que ce soit pour le Brive festival, que ce soit pour Garorock, mais qui mieux que l'équipe sur place ? Donc ils ont une autonomie – bien évidemment ils ont un contrôle financier, ce qui est légitime puisque nous avons acheté ces entreprises – mais ce sont eux qui font la programmation musicale. On discute de tout mais je ne m'accorde aucun final cut parce que, si je commence à m'accorder un final cut, ça veut dire qu'il faut que je déménage.

On ne peut pas ne pas parler du Covid dans tout ça. Evidemment j'imagine que déjà c'est quand même une bonne nouvelle pour eux d’être adossés à un grand groupe dans cette période pleine de tumulte mais, au-delà de ça évidemment, – pour poser la question simplement, mais il y a mille réponses possibles – comment Olympia Prod vit cette période depuis le mois de mars ?

Il y a trois périodes. II y a la première période qui est la période, je dirais, de de l'étonnement…

La sidération…

… la sidération, la surprise. La deuxième période qui est l’accablement et la troisème période qui est la période clairement, je dirais, de la réaction. C’est-à-dire qu'aujourd'hui, on sait qu'on ne va pas jouer. Si on arrive à jouer d'ici la fin d'année, c'est bien, si on arrive à jouer d'ici l'été prochain, c'est mieux. Parce que jouer, ce n’est pas jouer pour jouer, c'est jouer dans des bonnes conditions pour le public, pour les artistes.

Et puis les conditions qui ne mettent pas en survie l'équilibre économique même de l'entreprise. Parce qu’aujourd’hui, la moindre tournée que vous lancez peut tuer la boîte.

Mais l'économie dans tous les cas de figure est en survie. Que vous soyez en indépendant ou en grand groupe, l'économie est en survie. On verra si les fonds qui ont été alloués sont suffisants, dans tous les cas ils sont nécessaires. Aujourd’hui c'est le moment, et on a nous commencé à partir du mois de mai à se dire : « OK, on sait qu'on va être bloqués, eh bien c'est le moment de se reposer et c'est le moment de regarder ce que nous avons bien fait, ce que nous avons mal fait, rediscuter avec les artistes qui nous font confiance, regarder en interne, essayer de reprendre du recul mais pas non plus essayer de fantasmer un futur que nous ne connaissons pas ». C'est-à-dire que ce n'est pas se lancer dans des projets hybrides parce qu'il faut se lancer dans des projets hybrides, ce n'est pas vouloir faire du digital parce qu'il faut faire digital… Il y a des initiatives aujourd’hui qui sont louable. Nous les avons regardées, on en a acté quelques-unes, on a vu ce qui peut éventuellement être porteur demain, on a vu ce qui était en échec. Ce qui est porteur demain, dans tous les cas, va nécessiter des investissements. Si vous voulez faire quelque chose de propre en hybride ou en digital, il faut investir. Aujourd'hui peu de sociétés sont en capacité d'investir. Est-ce que nous allons investir ou pas, je ne le sais pas, je sais simplement qu’aujourd'hui, par exemple, j'ai fait un appel à projets dans le courant du mois de juin avec toutes les équipes, que ce soit les gens des festivals, les gens qui font de l'humour, les gens qui font de la musique, et je leur ai dit : « voilà, je vais vous réunir dans le courant du mois de septembre, vous allez réfléchir aux projets. Peut-être que vous avez au fond de vous des projets qui ont émergé ou fait des synthèses des projets que nous avons pu voir à l'étranger… Je vais toujours réunir et puis vous allez venir faire votre présentation et on va voter à main levée, est-ce que ce projet fait sens ? Et en réunissant absolument tous les services, dans toutes les compétences, est-ce qu'on a envie tous ensemble de se lancer dans un projet comme ça ou comme ça ou comme ça ou comme ça ? ». Je ne sais pas ce qu’il en sortira ? Autant il ne sortira rien de nouveau, autant on aura peut-être une bonne idée, mais il suffit certaines fois peut-être d'une bonne idée pour faire en sorte qu'une entreprise ne s'arrête pas. Parce que le plus gros danger aujourd'hui, quand vous savez que vos artistes ne jouent pas, quand vous faites de la gestion psychologique de vos artistes, et c'est normal, et en même temps vous faites la gestion psychologique de vos équipes, et que tout le monde a la crainte, qui est légitime, de la restructuration – parce que toutes les entreprises de spectacles sont en train de se restructurer –, car nous allons malheureusement être contraints de faire des coupes sombres. Aujourd'hui nous avons déjà nous réduit les coûts d’Olympia Production, et même si on fait partie de Vivendi, ce n'est pas pour ça qu'on est dispendieux. On a réduit nos coûts entre mars et fin juillet de 27%. Le point le plus important aujourd'hui, c'est comment ne pas ramener à l’os une société, ce qui ferait qu’à partir du moment où ça va repartir, nous aurions un temps de restarting qui serait trop long, parce qu'on aurait trop affaibli la société. Donc c'est un juste milieu entre trouver les bons projets, garder la dynamique de l'entreprise – d'autant plus avec le télétravail dont on voit les forces mais très rapidement les faiblesses – et essayer de trouver autour de ce nouveau projet la structure qui peut permettre non seulement de continuer à les faire vivre et à les développer et, en même temps, anticiper un futur dont nous ne connaissons pas les dates. Si on me dit aujourd’hui – et personne ne le sait – vous démarrez le 12 janvier, je configure l'entreprise pour démarrer le 12 janvier. Aujourd’hui, est-ce qu'il y aura des festivals en été 2021 ? Mais je n'en sais rien !

Ce n'est pas un tabou de dire « je ne sais pas s'il y aura un festival à l’été 2021 » ?

Mais ce n'est pas un tabou de dire aujourd'hui « je ne sais pas quand est-ce que nous jouerons ». Donc aujourd'hui, ce que l'on fait ? Il n'y a aucune dynamique clairement autour des billetteries, mais c'est normal. On ne voit que des annulations et que des reports. Je comprendre que les gens aujourd'hui gardent leur pouvoir d'achat. Donc, en l'état, ce qu'on fait c'est que nous avons quasiment terminé sur tous nos festivals… les plateaux. Donc on sait aujourd'hui quelles sont nos programmations.

Ils pourront jouer, Christophe, s'il n'y a pas les tournées avant, s’il n'y a pas les internationaux ?

Aujourd'hui nous avons contracté avec tous ces artistes. Après, est-ce que l'interdiction viendra du fait que certains ne peuvent pas venir en Europe ou que des artistes français ne pourront pas se déplacer sur le territoire français, ou les deux, on ne sait pas ! Simplement on se met dans une situation où nous sommes prêts pour réenclencher parce qu'on sait que à partir du moment où on sera prês et à partir du moment où les conditions sanitaires seront considérées comme, on va dire, bonnes par toute la population, ça va être là frénésie.

Ces fameux modèles tripartites avec les contenus produits en live, la billetterie d'un côté avec Digitick et Vivendi Village, la puissance de feu médiatique du groupe par ailleurs, est-ce que ces modèles qu'on enseigne dans les écoles de management et de marketing sont des modèles plus puissants que juste talent scout, découvrir des artistes et juste tout miser sur l'artistique ? Est-ce qu'il y a une tension entre ça ou c'est juste complémentaire ?

Je pense qu'il n’y a pas d'antagonisme surtout, et que chaque artiste aujourd’hui est en fait devenu une entreprise, et que les artistes clairement maîtrisent plus que jamais leur chaîne de droits. Ils accordent donc leur confiance et se tournent vers les personnes qui, je dirais, d'un côté leur permettront justement de pouvoir développer et de pouvoir rencontrer le public et donc partager le talent qu'ils ont, mais d'un autre côté aussi dans le cadre d'une économie. Et ce que l'on voit – et c'est normal parce que c'est la même chose pour nous –, personne n'aime être enfermé, il est hors de question de créer des prisons.

Là, tu es finalement en train de parler des gens qui pensaient qu'il n’y aurait plus que des artistes Universal à l'Olympia ou qu’Olympia prod ne travaillerait qu’à l'intérieur du groupe…

Moi, je n'ai jamais commenté ça. Je n’ai jamais commenté parce que j'ai trouvé ça totalement navrant et surtout extrêmement dégradant pour les artistes et les managers.

Je peux me permettre d'être un tout petit peu poil à gratter ?

Evidemment.

Tout le monde sait que Vincent Bolloré, c'est son génie, fait en sorte que tout se passe quand même dans la boîte, que s'il y a une étude, c'est avec l'institut CSA, etc., que les différentes sociétés du groupe Vivendi – il y en a un paquet quand même – soient plutôt mobilisées au service des autres sociétés pour qu’on évite d'avoir recours à des concurrents. Est-ce que ce n'est pas un peu en contradiction ce que tu viens de me dire ?

Non, parce que pour certains artistes, ils le souhaitent parce qu’ils ont besoin de se sentir sur toute la chaîne, ils ont besoin de se sentir entourés et ils ne veulent pas plusieurs interlocuteurs. Pour d'autres artistes, ils ne souhaitent absolument pas, mais absolument pas, rentrer dans cette chaîne. C'est pour ça que, de temps en temps j'emploie le mot un peu large de boîte à outils. Quand tu viens chez nous, tu veux faire ça, eh bien tu feras ça ou tu feras ça tu vois ça… Nous avons des artistes aujourd'hui… je ne sais pas moi… la dernière tournée de Jennifer, jusqu’à preuve du contraire, elle n’est pas chez Universal, nous sommes gros producteur des deux dernières tournées de Matt Pokora, jusqu’à preuve du contraire, il n’est pas chez Universal. Sur pas mal d'artistes autres, notamment sur le développement, ils ne sont pas chez Universal, mais ils ont fait un choix. Et vous avez d'autres artistes qui sont chez Universal et qui n'ont pas souhaité travailler avec nous. Moi, j’aurais adoré qu’Angèle vienne chez nous. Elle est chez Fimalac, et pourtant elle est chez Universal. Il n'y a pas de règles là-dessus.

C'est extrêmement clair. Une dernière question, peut-être faut-il que je coupe le micro pour la poser mais je vais quand même la poser. J'ai remarqué, et c'est sans doute un hasard, que tu fonctionnes beaucoup par période de 10 ans : presque 10 ans chez NRJ, presque 10 ans chez Lagardère, ça fait 10 ans chez Bolloré… On est en 2020, est-ce qu’il y a une suite à ça ou pas ? Ou est-ce que cette suite ne serait pas au fond le moment de juste lancer ta boîte à toi, d'être entrepreneur. Tu adores les entrepreneurs, les artistes entrepreneurs, les entrepreneurs de festival… Est-ce que tu as déjà songé à ça ?

J'ai une entreprise, puisque j'ai toujours eu une société, et je n'ai jamais éteint cette société et d'ailleurs quand j’y repense… cette société, son nom… ça s'appelle La Matière.

Pourquoi la matière ?

Parce que j'ai toujours ce geste quand je parle à un artiste ou quand je parle aux gens, il y a un mot qui revient assez souvent, c'est « votre matrice ». Votre matrice, c'est vous, c'est votre cœur, et votre matrice, en fait c'est votre matière c'est l'humain. Ce mot, je trouve que ça résume beaucoup de ce que je suis, de ce que j'ai toujours voulu faire depuis que je suis adolescent. J'ai cherché longtemps, j'ai dû passer à peu près une année à chercher un nom pour cette société avant de la créer. C'est amusant parce que, quand je l'ai créée, la première fois où avec Pascal Obispo on s'est associés, c'est ma société La Matière qui était actionnaire de la société que nous avons créé ensemble. Il voulait qu'on appelle la société Just for Entertainment… J’ai dit « oui, très bien… pour vous c'est bien… c'est anglais, mais pour moi, ça ne veut pas dire grand-chose ». Et il me dit « tu l'appelles comment, toi ? ». Je lui dis « Moi il s'appelle déjà, elle s'appelle La Matière ». Et j'ai en tête son sourire, il n'a pas fait de commentaires, mais j'ai en tête son sourire. Donc aujourd'hui on va considérer que j'ai la confiance des actionnaires. S'il y a un changement qui est un changement de stratégie, on me demandera ou de faire autre chose ou on me remerciera et je passerai à autre chose. Je ne suis attaché à rien, je n'ai jamais fonctionné sur l’« avoir ». Avoir m'intéresse pas, je n'ai pas d'appartement, je n'ai pas de voiture, la seule chose que j'ai, c'est une cave. Ça, par contre, du vin, j'en ai par centaines, mes enfants pourront boire, et peut-être même mes petits-enfants (rire). Mais avoir ne m'intéresse pas, ce qui m'intéresse, c'est être. Une vie, c'est court … J'ai eu 60 ans il y a quelques jours et tout le monde m'a gonflé « tu vas avoir 60 ans, tu vois 60 ans ». Et ils m'ont fait rire parce qu'en fait, ils m'ont plombé. C'est-à-dire que sur ces derniers mois, tout le monde disait « en fait tu as 60 ans, tu vas être vieux » et ainsi de suite. Et puis finalement, le lendemain, quand je me suis levé, je me suis dit « Mon Dieu, j'ai 60 ans ! ». Ouais, pffff, ça ne m'a rien fait du tout, du tout, du tout. Donc ce qui se passera demain, en fait, ne m'interroge pas. Pas parce que je suis sûr de ce que j'ai fait ou de ce que je peux faire, c'est parce que ce que je fais me passionne, j'ai toujours fonctionné par passion. Quand un projet ne rencontre plus l'adhésion, quand un homme ne rencontre plus l'adhésion, il y a une séparation. Alors certaines fois, elles sont douloureuses certaines fois elles se font naturellement, je suis prêt…

Merci.

Production et réalisation : Marc H'LIMI / Interview : Marc GONNET / Créations visuelles et réseaux sociaux : Emilie BARDALOU

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