Saison 2

S02E01 - Jackie Lombard, productrice de Céline Dion, Elton John, Paul Mc Cartney, ...

Jackie Lombard est une légende… Productrice historique de Michael Jackson, de Prince, de Freddie Mercury, de Georges Michael et de tant d’autres, elle travaille aujourd’hui encore avec les plus grands : Céline Dion, les Rolling Stones, Paul McCartney, Elton John… Très rare dans les médias, elle se confie à SOLD OUT sur son parcours atypique et la folie de ce métier. Jackie Lombard partage des anecdotes inouïes impliquant un serpent, la Fnac des Ternes, une seule coupe de champagne et… des vrais gentils. Enregistré dans les bureaux de Delight en Octobre 2020, cet entretien qui lance la saison 2 de SOLD OUT n’a pas vocation à commenter le couvre feu ni la crise sanitaire. L’envie et la passion qui se dégagent de cet épisode donnent des ailes pour continuer à penser à ce moment où l’on se retrouvera enfin devant une scène, sans masque. Debouts ! Bonne écoute <3 Vous nous avez manqués !

Sold Out Jackie Lombard

Écoutez l'épisode maintenant

Découvrez la retranscription de l'épisode

Parce que la lecture est complémentaire de l’audio, parce que certains souhaitent retrouver une référence après avoir écouté un épisode, et parce que d’autres nous l’ont demandé, tout simplement, nous avons décidé de faire figurer sur notre blog une transcription des interviews réalisées dans le cadre de SOLD OUT, le podcast de Delight, qui vient d’entamer sa deuxième saison.

Pour une reprise en beauté, alors que le brouillard obscurcissait toujours pesamment l’avenir des professions du spectacle vivant et de l’événementiel, nous avons décidé de faire appel à une légende de ce métier. Une légende, forcément, cela nous ramène aux temps d’avant, d’avant les données clients et le « customer relationship management », d’avant les stratégies d’engagement client et les campagnes marketing en ligne, d’avant la protection des données et le recueil du consentement. Non pas que ces logiciels de gestion de la data ou ces outils de CRM soient des innovations accessoires ou des lubies de technos boutonneux. On connaît désormais leur efficacité, surtout dans la perspective du monde plus changeant qui nous attend après cette crise. Mais il y avait une vie avant, mieux par certains aspects, moins bien par d’autres. Mais sa particularité, c’était que son carburant principal, voire unique, était la passion. Celle qui continue à animer Delight – SOLD OUT en est la preuve – et beaucoup d’autres, mais qui laisse parfois la place à des considérations « business » qui amenuisent la curiosité, la diversité et la prise de risque… Place aux temps d’avant !

SOLD OUT - Saison 2, épisode 1- Jackie LOMBARD

Jackie Lombard est assurément une légende… Productrice historique de Michael Jackson, de Prince, de Freddie Mercury, de Georges Michael et de tant d’autres, elle travaille aujourd’hui encore avec les plus grands : Céline Dion, les Rolling Stones, Paul McCartney, Elton John…

Très rare dans les médias, elle se confie à SOLD OUT sur son parcours atypique et la folie de ce métier. Jackie partage des anecdotes inouïes impliquant un serpent, la Fnac des Ternes, une seule coupe de champagne et… des vrais gentils.

Enregistré dans les bureaux de Delight en Octobre 2020, cet entretien qui lance la saison 2 de SOLD OUT n’a pas vocation à commenter le couvre-feu ni la crise sanitaire. L’envie et la passion qui se dégagent de cet épisode donnent des ailes pour continuer à penser à ce moment où l’on se retrouvera enfin devant une scène, sans masque. Debout !

Jackie Lombard, 1er billet vendu ?

Ce n’était pas une chanteuse, c’était difficile à croire, c’était une sex-symbol, quand j’ai démarré il y a très longtemps. Moi-même je n’y croyais pas, c’était Raquel Welsh.

Dernier billet vendu ?

Dernier billet ? J’espère bien qu’il n’y aura pas de dernier ; mais en ce moment malheureusement avec tous les concerts reportés, les billets qu’on rembourse, on les revend. Donc je n’ai pas de dernier billet vendu.

Bonjour Jackie, bonjour, merci d’être dans SOLD OUT. C’est un immense honneur que vous nous faites et, franchement, on le mesure vraiment, on est très très fiers de vous avoir. J’ai envie de vous demander : à votre avis, à partir de quand êtes-vous devenue productrice de spectacles ?

Ça remonte à loin parce que j’ai commencé à 18 ans… En fait je n’étais pas productrice quand j’ai commencé… du tout. Je suis passée par plusieurs métiers. Juste avant les concerts, c’était la promo. C’était un plaisir, c’est comme ça d’ailleurs que je suis arrivée à la production, grâce à la promo, au marketing...

C’est ce qui a fait mon nom et ma réputation au départ. Donc il a été utilisé énormément pour les concerts et la production alors que je ne l’étais pas du tout [productrice]. Je ne pensais pas que j’allais pouvoir faire des concerts avec zéro centime dans la poche. Je n’avais même pas de quoi payer mes notes de téléphone, à chaque fois j’appelais la compagnie en disant qu’ils se s’étaient trompés, enfin bref ça me faisait gagner du temps…

Et quand est-ce qu’on a commencé à aller vers la scène ?

C’était grâce à Tom Jones que j’étais allé voir et j’avais envie de faire ce métier. En fait j’ai dit « ce sera celui-là, je l’aurai pour le produire ».

Pourquoi celui-là ?

Parce que c’était un cas incroyable, exceptionnel en fait, tel qu’il a commencé. Il arrivait de nulle part, comme moi, et c’est devenu pour moi la plus belle voix du monde. Et c’est devenu quand même une des plus grosses stars du monde. C’est toujours [le cas] ; là quand on l’entend maintenant, c’est encore la plus belle voix.

Et vous le sentiez là ce soir-là ?

Dès ce soir-là, oui, je sentais que c’était là où il fallait que j’aille, vers ce métier-là.

Et c’est là où il vous a kidnappée ?

Ce soir-là, j’étais assise au premier rang. Il n’y avait pas de place du tout à l’Olympia, donc j’étais sur les genoux de quelqu’un. A un moment donné, avant la fin, je me suis levée pour aller du côté des coulisses où je traînais un peu pour apprendre le métier quand même ; et puis je ne savais pas à quel moment il allait sortir de scène. Il s’est tamponné avec moi, mais je n’ai pas vu que c’était lui et j’ai continué mon chemin, ce qui lui a déplu. Il a dit « mais pour qui elle se prend ? » Je me suis cognée avec lui ! J’ai à peine dit « excusez-moi », rien, et j’ai continué au bar de Marilyn qui était au fond ; et c’est là qu’il m’a envoyé chercher par deux colosses.

Et ces colosses vous ont mis dans sa loge, c’est ça ?

Dans sa loge pendant que lui il faisait l’air encore sur scène, pendant le rappel. J’avais promis de rester dans les parages mais je me suis barrée.

C’est à Munich que vous l’avez retrouvé quelques mois après…

Et pareil, le même accident. J’étais dans le couloir en train de courir parce que j’étais en retard, je ne savais pas qu’il y avait une conférence de presse à l’hôtel. Et voilà que je vois tout un groupe arriver avec des gardes du corps partout et ,encore une fois, je me tamponne avec lui. Donc on était tellement surpris qu’il m’a dit « cette fois, tu ne m’échapperas pas » et là, il a laissé le garde du corps avec moi toute la journée. C’était drôle, non ? Mais c’était un gentleman ; c’était un gentil. Il m’a laissé une image de profonde gentillesse et, en fait, il est gentil avec tout le monde, on peut être n’importe qui.

Est-ce que les plus grands que vous avez côtoyés, et la liste est interminable, ont ce point commun d’être gentils ?

Oui. Par exemple Lionel Richie a ce point commun avec lui, mais je dois dire que tous les anciens avaient ce point commun à l’époque. Ceux qui n’ont plus ce point commun, c’est ceux de maintenant ; c’est ceux depuis quelques années, enfin depuis que toute cette musique a changé et que presque tous les anciens sont partis. Il en reste très peu et ces très peu là, on est toujours très proches. Et d’ailleurs, je ne cherche pas à faire ami-ami avec les artistes actuels. Dès que j’ai fini le concert, je m’en vais, même s’ils veulent faire un dîner ou un truc. Je pourrais… j’arrange tout ça mais je n’y vais pas. Ça me branche beaucoup moins de faire ça. Les concerts, ça me branche toujours. Mais moi je ne vais pas mourir sur scène… mais peut-être derrière… je ne sais pas.. mais non… on ne sait jamais ! Je ne laisserai jamais tomber ce métier de toute façon. On n’est pas beaucoup d’anciens à être restés là. On est peut-être deux ou trois.

Qu’est-ce qui fait que cette envie est viscérale, justement ? On s’ennuie un peu avec les artistes aujourd’hui, non ?

Enfin je commençais à m’ennuyer depuis le départ de Prince. Là, je savais que j’allais commencer à m’ennuyer parce qu’il y avait tellement de surprises et des choses qu’aucun autre artiste ne demande ; et ils étaient très peu à demander ça. Donc, surtout quand on me demande un concert la veille pour le lendemain, ou un stade de France trois semaines avant, alors qu’il n’y avait même pas de production, rien… Ou alors il me dit un week-end – un pont qui était en fait le mercredi –, il me dit « ben je vais faire deux concert samedi ». Comment ça ? Tout le monde s’en va, c’est le pont et on n’a que deux jours, comment je vais faire ? Donc, quoi qu’il arrive, on a annoncé. Tout le monde a cru à une blague mais il y en a beaucoup qui ont renoncé au pont, qui sont restés à Paris pour être justement à ces deux concerts. Parce que lui, il aime bien être sur scène pendant au moins quatre heures, quelque chose comme ça. Mais en un seul concert, il ne pouvait pas, il voulait en faire deux. Donc, du coup je ne dis pas « ça reviendra au même, en fait on va faire deux [concerts] de deux heures ». Donc pour lui, ça lui a fait ses quatre heures. Mais ils étaient différents, les deux concerts. C’est la première fois qu’il était en temps et en heure parce qu’il a eu peur. J’ai dit « attention, si tu ne quittes pas la scène à l’heure sur le premier, on ne pourra pas faire le deuxième, parce que là on nous coupe tout ».

Vous avez remarqué que vous n’arrivez pas à en parler au passé ?

Je n’arrive pas, non ! On n’arrive pas à réaliser. C’est vrai qu’il nous a fait des tas de trucs comme ça. Après chaque concert, on savait qu’il fallait monter une production dans une autre salle pour après, les « after-show, » tout le monde savait. On se demandait comment les gens savaient, et il y avait la queue partout. Parce que c’est vrai qu’après ses gros concerts, ses concerts les plus importants, on le retrouvait parfois au Bataclan et on improvisait vraiment, c’était une deuxième production. On a appelé le loueur de matériel, et tout ça pendant qu’il était sur scène. On montait une production ailleurs, parce qu’il nous le disait après, il ne nous le disait pas avant.

On a l’impression que vous aimiez ça ?

C’était le truc hyper complexe mais maintenant, ça ne se fait plus tellement. Ça m’amusait énormément mais en même temps, sur le moment, c’est vrai que ça m’a un peu énervée, parce que personne ne fait ça, ça n’existe pas. Et il est le seul. Donc on faisait… Il savait qu’on finissait par le faire, il n’y a pas d’impossible avec lui.

Pour vous forcément, il y a un destin qui est international. Vous pourriez craquer aussi pour une artiste ou un artiste français ?

J’ai craqué pour un jeune artiste français, mais malheureusement je ne pouvais pas le produire, parce qu’en fait je l’ai découvert en Israël où je n’allais plus. J’avais promis à des amis d’aller ce week-end-là – c’était la bar-mitsva de leur fils – et j’ai promis d’y aller. Donc j’ai tenu ma promesse, j’y suis allée. Et ce jour-là, j’entendais une voix, c’était juste en face, du côté du mur des Lamentations. J’entendais une voix incroyable tout en haut. Je vais voir ce que c’est et je me mets à filmer ce que je vois. Mais je n’ai pas pensé que ce jeune homme était Amir. Et je l’ai posté immédiatement et bien entendu ,il y a eu tellement de réponses : « mais qui est-ce ? Est-ce qu’il peut faire les bar-mitsvas ? » Et j’ai dit « mais ce n’est pas moi », je ne savais même pas qui était son manager.

Un jour, on a reçu un appel disant qu’on cherchait Amir pour faire The Voice, et bien entendu ils ont trouvé Amir et il a fait The Voice. Et en effet, je ne savais pas, quand ils l’ont sélectionné, que c’était avec la vidéo que j’avais prise.

De toute façon, pendant l’émission, j’ai vu que tout le monde s’est retourné parce qu’il est hyper charismatique, il a une belle voix, il a une gentillesse incroyable et tout et tout. Je le voyais, je le sentais et c’est pour ça qu’un jour, j’ai laissé un message à Bruno Berbères qui choisit les talents, et à Nikos j’ai dit « Vous lui dites qu’il perde ou qu’il gagne, je serai là à la sortie ». Donc ils lui ont dit. En fait je ne l’appelais pas parce qu’il avait un manager, et tout ça. Mais j’avais dit que j’allais être là le jour de la sortie. Donc il a il a fini dans les finalistes. J’étais à Los Angeles mais entre-temps, bien sûr, on s’est rencontré. J’étais à Los Angeles quand on m’a annoncé la date et je ne devais pas être ici. J’ai pris l’avion, je suis rentrée, je suis allée juste le jour de la finale. C’était sa voix ! C’est une très belle rencontre parce que c’est un mec extraordinaire. Vraiment, lui je ne le considère pas juste comme un chanteur français parce qu’il chante tout le temps [en français]. Il peut chanter l’anglais ; quand on s’écrit ou quand on se parle c’est en anglais, c’est rarement en français.

Et pourquoi vous n’êtes pas allée au bout alors avec lui ?

Ce n’est pas de ma faute. En fait, j’étais prête à aller au bout. J’ai essayé d’aider et d’aller au bout. Et quand il a signé son contrat… En fait, maintenant, les contrats de ceux qui démarrent, les maisons de disques leur font les 360. Ils veulent tout : et l’artiste, et le disque, et le merchandising, et la tournée. Et on ne savait pas en fait tous les deux qu’il y avait la tournée dedans. Mais peut-être ça aurait été le seul français que j’aurais voulu faire.

Vous dites qu’il faut souvent de la chance et de l’imagination et vous avez eu les deux pour les Rolling Stones à La Défense Arena ?

En fait j’ai annoncé l’ouverture de Paris La Défense Arena, et les Stones ont accepté de le faire alors que la salle n’avait même pas encore de toit. On se demandait si on allait le faire. Et je n’ai pas compris que le risque qu’on a pris était énorme. Jusqu’à la dernière minute, ils étaient encore en travaux et la dernière vis a été mis le jour du concert, je crois, le matin. Mais c’est vrai qu’on ne dormait plus. Moi j’imaginais tout le temps qu’il pleuvait dans la salle parce que tout le monde s’inquiétait. Mais ils ont tous pris le risque.

Vous avez des problèmes parfois qu’on n’imagine pas. Vous avez travaillé avec Prince, vous en avez déjà parlé. Vous avez aussi travaillé longuement avec Michael Jackson. Ils avaient une vraie rivalité tous les deux ?

Ils s’admiraient énormément tous les deux et il y avait de la rivalité au point où, quand je devais produire l’un, je ne le disais pas à l’autre. J’étais obligée parce que j’avais peur que l’un des deux m’annule auprès d’un producteur. Donc je ne disais rien. Surtout s’ils passaient dans cette salle et pas l’autre, ça ne se voyait pas. Par contre, ils avaient une vraie admiration l’un pour l’autre… et puis, appeler quand même son fils Michael-Prince !

On ne peut même plus parler de superstar ; il s’agit de légende absolue. C’est maintenant une légende : on parle de Michael Jackson. Cette légende-là vous l’avez emmenée à la FNAC des Ternes. Est-ce une vraie histoire ou non ?

On était au Musée d’Orsay. D’un seul coup il m’a dit : « est-ce qu’il y a un endroit où je peux aller acheter des films mais en langue arabe ». Alors je lui dis « je pense qu’on peut tout trouver dans un magasin qui s’appelle la Fnac ». Il me dit « ben, j’aimerais y aller ». Je dis « oui d’accord mais ils ne fermeront pas le magasin pour nous ». Parce qu’on a demandé pour aller au Musée d’Orsay une porte spéciale et tout, mais on n’a pas demandé à fermer quoi que ce soit, non.

Mais c’était la première fois qu’il se retrouvait comme ça ; on n’était que quatre ensemble. D’habitude c’est en fait 50 gardes du corps et c’est ce que les gens ont respecté le plus. On est allé à la Fnac et je n’ai prévenu personne, je n’ai pas voulu prévenir parce qu’ils allaient appeler la Presse, elle allait être là.

Quand on montait l’escalator et l’autre descendait dans l’autre sens, ils voyaient tous Michael Jackson monter, donc les gens reculaient tous avec l’escalator. Ils descendaient, essayaient de remonter, mais pour voir si c’était le vrai et pas un faux ! Mais ils sont tous remontés. Quand on lui a montré le rayon – c’était des cassettes avant – des films en langue étrangère, c’était en bas, donc il s’est assis par terre, il a fait ça, il a fait son choix des films qu’il voulait acheter.

Vous disiez tout à l’heure que pour être productrice, il fallait avoir de l’imagination, de la chance mais il ne faut pas avoir un peu de folie aussi ?

Mais je sais que je suis folle donc de toutes les façons ça ne change rien du tout !

Qu’un lieu n’ait pas de toit, qu’un artiste ne se fasse pas agresser à la Fnac…

C’est vrai, mais c’est de la folie ce métier. Si on n’est pas fou, on ne peut pas le faire.

Et en 2007, ça aurait pu basculer vers moins de folie, parce que c’est à ce moment-là que vous vous rapprochez de Live Nation. Vous n’aviez pas envie de vendre votre société Inter-Concert à Live Nation justement ?

J’ai vendu Jackie Lombard Production, c’est ce dont j’avais envie. Ils m’ont rendu mon nom, on a fait un divorce à l’amiable. C’était trop "finances", c’était surtout ça qui comptait pour eux, et moi j’avais beaucoup d’amour pour ce que je faisais et des fois, j’avais l’impression d’y faire les choses par obligation et pas par amour. Et d’ailleurs, c’est celui qui est le plus contre moi qui se trouve aujourd’hui être aussi dans Live Nation. Je ne parle pas d’amis que j’aime beaucoup, comme Angelo que j’apprécie. C’était Salomon le plus contre moi. Oui, là il allait à fond contre moi pour se retrouver dans Live Nation depuis quelques temps… je ne sais pas… ça fait trois ans… deux ans, trois ans… j’en sais rien.

En tout cas, vous, ce n’est pas votre truc.

Non, ce n’est pas mon truc mais j’ai coproduit avec Live Nation, je continue avec eux. J’ai monté Live Nation et je suis ravie, parce que, bon, je devrais être fière quand je vois ce qu’elle est devenue ; c’est quand même la plus grande qui existe.

Deux dernières questions : depuis que je prépare cet entretien, j’ai l’impression que, quand on est Jackie Lombard et qu’on se promène dans Paris, on doit avoir des souvenirs dans chaque quartier avec des artistes, des souvenirs inouïs en fait…

J’en ai beaucoup en effet. En en partant, je suis passée par Saint-Germain et j’ai pensé à Freddie Mercury

Chez Castel, n’est-ce pas, et qui vous dit : pourquoi tu ne bois pas ?

Je dis, c’est vrai je ne bois pas, je ne fume pas, je ne prends rien de tout ça et je pense que j’étais la seule dans ce métier à ne rien faire de tout ça. Et quand il m’a demandé de lui fournir de quoi fumer, je lui ai dit « mais je ne fume pas, je ne bois pas, donc je ne sais pas où en trouver ». Il m’a dit « comment se fait-il que tu fasses ce métier et que tu ne connaisses pas ces adresses ? » Il se trouve que je connaissais la meilleure adresse et je demande à une amie qui était là et qui me dit : « tu sais que Keith Richard est à Paris – parce qu’il avait un appartement à Paris –, je suis sûre que lui, il en a ! » Donc la copine a appelé Keith Richard et lui a dit que c’était pour Freddie Mercury et on a eu et Keith Richard, et de quoi fumer avec Freddie Mercury. Donc il était content ce soir-là. Et puis avec Fred on est restés copains. C’est-à-dire, quand tout le monde voulait lui demander quelque chose, ils disaient « vas-y toi, Jackie, il te refuse rien ! » Donc à chaque fois on m’envoyait. Si c’était pour la presse, si c’était pour faire une interview, il disait non et à moi, il disait oui. Bon, peut-être que j’ai bien fait ce soir-là de lui trouver ce qu’il voulait. Il a bien vu que je n’avais pas besoin de faire la même chose pour aller en chercher.

D’ailleurs j’ai eu le même cas avec Alice Cooper à l’époque. Alice, c’était dans les débuts, il faisait partie de mes concerts des débuts où il était quand même encore une légende. C’est un mec brillantissime, Alice Cooper, mais complètement dingue. Un soir, j’ai failli ne pas faire le concert parce qu’il fallait trouver un avion, envoyer quelqu’un, ce qui nous a montré pourquoi il ne pouvait pas, et là il me montre ce qu’il prenait réellement. Mais depuis, il est complètement clean, car tout le monde l’a lâché en lui disant qu’on ne voulait pas avoir un homme brillant mourir sous notre nez. En fait il se détruisait. En fait c’était la dernière fois pour moi, le seul, le dernier souvenir que j’ai gardé de lui. Après je n’ai pas travaillé avec lui parce que ça m’a marqué. C’est ce serpent qui était plus lourd aux États-Unis et qui repartait d’ici plus léger. J’ai ri beaucoup parce qu’en fait, quand on a rendu le serpent, il était amaigri. C’est là où il cachait la drogue, dans le serpent. Donc c’est pour ça que, quand on a rendu le serpent, j’ai demandé « pourquoi il a maigri ? » C’était l’horreur parce que, quand on était au Midem, le serpent s’est barré, donc il fallait presque vider la chambre là-bas et on a prévenu qu’un serpent était parti. Mais il était énorme le serpent. C’était l’horreur parce que les serpents, ils vont aller sur la tuyauterie du chauffage. II avait oublié que la femme de ménage risquait de venir le soir. On n’y pense pas qu’elle va rentrer pour juste défaire le lit.

Est-ce qu’il y a un truc dingue, dingue qui vous est arrivé, que vous n’avez encore jamais raconté ?

Il m’est arrivé plein de choses dingues surtout à l’époque, par exemple que j’allais transbahuter de la drogue, pas pour moi, dans un serpent. Et je déteste la drogue et je déteste les serpents.

Vous n’aimez pas beaucoup les gens drogués, les gens bourrés…

Je déteste la drogue et je n’aime pas non plus voir des gens se droguer ou se bourrer. Je déteste voir une femme bourrée par exemple, je trouve ça horrible. Rien qu’à les voir, je leur dis merci. J’ai dit que je n’essayerai jamais, même pas en rêve. D’’ailleurs non, on m’a fait essayer une fois juste une goutte et je me suis retrouvée presque étouffée. Je ne sentais plus mes genoux ; c’était une coupe de champagne parce qu’il fallait que je célèbre un truc, et on m’a dit juste « du bout des lèvres ».

Avec la vie que vous avez eue, avec tous les artistes, vous n’avez jamais bu une coupe de champagne ?

Jamais. Si, je vous ai dit la seule fois où je l’ai goûté. D’ailleurs, c’est Tom Jones qui m’a dit « jamais plus je ne te demanderai de boire ».

Question naïve Jackie : quand on travaille comme ça avec des géants, est-ce qu’il y a encore de la place pour l’humain ?

Oui encore, très humain. Et il fallait voir avec ce qu’on a traversé. Là, j’ai vu par exemple un homme comme McCartney se conduire d’une façon extraordinaire. Il avait quatre stades reportés qui étaient fin mai et début juin et il savait que les gens auraient besoin d’argent, et il n’y avait pas de visibilité sur la date de report. Il a dit « tu sais, il vaut mieux tout rembourser à tout le monde ». Et là il a insisté, il a veillé à cela. Et d’un seul coup, on reçoit un appel du contact de Paul McCartney qui avait reçu l’argent – je pense de l’assurance – et qui voulait le partager avec nous. Je n’ai jamais vu ça de ma vie. Il avait une classe folle et tous les promoteurs étaient ravis.

Et moi j’ai trouvé bien son tourneur qui est le plus grand monde pour moi, qui est Barrie Marshall. C’est le meilleur qui existe et le plus grand et qui s’occupe aussi bien du public que de l’artiste. Il voit le bien des deux. S’il voit que quelque chose n’est pas bien pour le public, il va lui-même. S’il faut pousser des caisses, il va lui-même alors que c’est un mec énorme. Pour moi, c’est mon mentor et, venant de lui, rien ne m’a surpris. Quand il nous a appelés pour nous le dire, y’a pas, on était très surpris, vraiment. Et chez tous les agents des jeunes actuels, je pense qu’aucun n’aurait pensé à faire ça.

Au fond, c’est pour ça qu’on a fait Sold Out, que les gens qui ont envie un jour de faire ce métier se disent que rien n’est impossible, si j’ai envie, je peux le faire.

Non pas dans ce cas. Je ne pense pas qu’il y en a beaucoup qui essayent malheureusement. Ils ne durent pas longtemps. Pour qu’ils y arrivent, il faut qu’ils viennent avec un artiste qu’ils auraient eux-mêmes découvert. Et venir avec lui et le rendre star. Mais là, quand de nouveaux arrivent aujourd’hui, pour acheter une grosse star, ça m’étonne. C’est très difficile d’aller contre Live Nation. On est à peu près trois ou quatre anciens, et ces agents et ces managers se sont habitués en quelque sorte à travailler beaucoup avec nous. Alors donc ce jeune qui veut venir aujourd’hui avec nous, c’est surtout beaucoup de gens qui sont en province, des locaux, parce que je reçois beaucoup d’appels de promoteurs locaux : « je suis promoteur local, est-ce que quand je viens avec un artiste, je peux le faire ? » Mais voilà, il se trouve qu’on a une certaine loyauté et malheureusement, je leur réponds à tous et je leur dis « je suis habituée à travailler avec untel dans votre région, mais si jamais il y avait un problème, à ce moment-là je vous contacterais ». Le seul problème, c’est qu’on est bien lié en fait avec les promoteurs locaux. Tant que mon promoteur local est correct et bien, qu’il n’y a aucun problème et qu’il est loyal, je continuerai toujours avec. D’ailleurs, tous mes locaux, ça fait à peu près 35 ans qu’ils travaillent avec moi.

Je ne peux pas vous laisser partir Jackie sans parler de cette hystérie du Covid qui n’en finit pas. Et est-ce que ça vous donne envie de quitter ce métier, votre envie viscérale de faire ce métier ?

Ah, non non non ! Pas du tout, mais là ça commence à peser, en fait parce que je ne suis pas habituée à rester à ne rien foutre. Et là on n’ose même pas appeler les agents ou les managers, voir ce qu’il y a après ; parce qu’on dirait que ça tombe mal quand on voit tous ces décès, tous ces cas et tout ce qui arrive en plus. Donc on s’occupe surtout de tous nos concerts qui ont été annulés et reportés. Et en attendant, on n’a pas de visibilité du tout sur l’avenir. Donc on ne sait pas comment à quelle heure ; on ne sait pas comment à quel moment ça reprend. J’espère bien le plus tôt, j’espère bien que le gouvernement va être conscient que ce n’est pas la peine d’arrêter l’économie du monde, dans le monde entier. Pourquoi on est arrêté là-dessus, parce qu’il y a il y a autre chose qui va arriver, en fait pourquoi juste ce virus-là ? Alors qu’il a eu le SRAS en 2003, on ne nous a pas dit d’arrêter de faire les concerts.

Merci beaucoup Jackie Lombard d’avoir été dans Sold Out, c’était un plaisir.

Production et réalisation : Marc H'LIMI / Interview : Marc GONNET / Témoin DELIGHT : Oliver ABITBOL / Créations visuelles et réseaux sociaux : Emilie BARDALOU

TOUS LES ÉPISODES