Quatrième "HORS SERIE" de SOLD OUT pour réfléchir ensemble à la sortie de crise dans l'industrie du spectacle vivant. Cet épisode est aussi le dernier de la Saison 1 de SOLD OUT. Deux invités aujourd'hui, pour partager le point de vue des artistes : SUZANE, d'abord, la révélation scène des Victoires de la Musique 2020 a été stoppée net dans son élan scénique. Elle évoque ses frustrations, les dangers pour la diversité artistique et son ressenti. Puis on tendra le micro de SOLD OUT à Antoine BISOU, le manager de L'IMPERATRICE, qui fera en toute franchise le bilan de la grande tournée virtuelle mondiale qu'il a inventée avec le groupe, à défaut de croiser vraiment le public cette année... Dans cet épisode, vous retrouvez « le débrief » de cet entretien avec Oliver ABITBOL et Etienne GUYONNET. Et même un peu de musique à la fin. Et des bisous, parce que l'on a déjà hâte de vous retrouver pour la deuxième saison de SOLD OUT !
Suzane : Salut Marc !
Suzane : Oui, complètement ! J’ai souvent dit du coronavirus que ça a été « bon gros croche-patte » : j’étais en pleine course, ça se passait plutôt bien… Je ne pense pas que j’étais la seule à être dans ma propre course : chaque Artiste est dans sa propre course. En tout cas, la mienne se passait plutôt bien : j’avais un joli paysage, j’en profitais et il y a eu le « corona » en plein milieu.
J’ai sorti mon album Toï Toï le 24 janvier et on a été confiné un mois et demi après. C’est vrai que c’était un peu dur d’arrêter cette tournée. J’avais une tournée très intense et l’arrêter soudainement a été un mini-choc dans mon mode de vie : ça faisait quand même deux ans que j’étais sur la route non-stop. Tout à coup, être enfermée et ne plus avoir ce contact social que j’ai beaucoup dans ce métier-là, c’était assez violent au départ.
Suzane : Complètement ! Je parle de moi parce que je suis une Artiste encore en développement : je « fais mon truc ».
J’imagine si ce « coronavirus » était arrivé il y a un an, alors que je sortais mes premiers clips et faisais mes premières scènes : là où « tout se faisait » en quelque sorte…
Je pense à des Groupes ayant un genre de musique qui ne passe pas forcément en radio ou qui n’ont pas ce genre de canaux… Comment le vivent-ils ? Comment font-ils s’ils « vivent » beaucoup sur les concerts ?
Je pense qu’il y a eu plein de problématiques. Je pense qu’on sait tous qu’à l’année, même sans coronavirus, il n’est pas évident de faire de la Musique. Avec « ça » en plus (la crise économique, etc…), cela engendre encore plus de craintes de la part d’un Artiste, d’un Musicien, de quelqu’un qui vit cela.
On a été enfermés chez nous avec nos angoisses. Je pense que chaque Artiste vit la même chose en ce moment, mais pas seulement. Je pense aussi aux Techniciens, aux Ingénieurs du Son, aux Ingénieurs Lumières… à tous ceux pour qui « c’est la vie » de partir en tournée et de faire leur job.
Je pense qu’on a tous ressenti ce manque et qu’il faut s’unir pour protéger cette « vie d’avant » et « remettre en place » les concerts, les Artistes et tous ces gens qui travaillent pour la Scène.
Suzane : C’est vrai… Après, les radios ont aussi leur problématique. Il faut passer du « français », de « l’anglais », il en faut pour tous les goûts et, en même temps, il faut que ça rentre dans la ligne artistique de la radio.
C’est « compartimenté », il faut les comprendre aussi.
Il est vrai qu’avoir plus d’Artistes français dans les radios françaises serait un soulagement.
Comme je le disais, ce serait un moyen de soutenir cet Artiste qui écrit ses chansons et veut continuer à en écrire. Cela aiderait aussi à « remplir » des concerts.
La radio se « répercute » sur beaucoup de choses et, en général, fait du bien aux projets et aux visibilités.
Suzane : Oui, je pense que les gens sont aussi impatients que moi.
Qu’on soit Artiste ou non, on a tous vécu la même chose, on a été « confinés ». Ce mot est entré dans nos vies en 2020, alors qu’avant on disait « confinés » pour des Militaires qui allaient se cacher quelque part… C’est particulier !
Je pense que les gens veulent retrouver leur vie, faire la fête, danser, entendre de la musique forte, découvrir des choses, revoir un Artiste qu’ils ont adoré… Qu’on soit Pierre, Paul ou Jacques, qu’importe le métier qu’on fait, l’Humain a besoin de chaleur humaine à moment donné.
Suzane : Quand j’ai « lâché » un petit peu dans ma tête, quand j’ai arrêté de me mettre un peu trop la pression, comme par hasard, les choses sont venues beaucoup plus naturellement. J’ai donc réussi à « sortir des chansons » de ce confinement, donc c’est cool !
J’ai quand même senti qu’il y avait des mots qui revenaient constamment, comme « dehors » … Des mots qui reviennent forcément quand tu écris en étant confinée, quoi !
Suzane : J’avoue que j’ai fait quelques « concerts en live ». Je savais que les gens me regardaient et allaient passer un moment donc j’arrivais, par procuration, à me dire : « OK, c’est cool de le faire », mais chanter dans le vide, sans personne… je n’ai pas envie d’exister dans ces conditions-là. Je n’ai même pas le trac, il ne se passe rien ! Ça ne me fait pas vibrer et je pense que ça ne fait vibrer personne.
Suzane : Exactement ! C’est ça l’image. S’adapter quand il le faut, oui, mais que ça ne dure pas trop longtemps. Je préfère l’œil des gens que celui de la caméra.
Suzane : Qu’est-ce que j’écoute en ce moment ? J’ai mes « titres star » pour me mettre de bonne humeur. J’écoute souvent Témé Tan, avec qui je partage un duo sur mon album. Ma chanson préférée c’est « Améthys », que j’ai écouté ce matin.
Maintenant qu’on parle de featuring, j’écoute aussi Grand Corps Malade. Je vais sortir un titre sur son album « Mesdames ». Je suis très contente de ce featuring donc j’ai hâte de pouvoir le sortir.
J’écoute donc pas mal de Grand Corps Malade. Je m’y suis replongée (j’écoutais ça quand j’étais jeune).
L’autre fois, je réécoutais des chansons comme « Midi 20 » et « Les voyages en train » avec mon ami Valentin. Je trouve ça incroyable !
Suzane : Merci à toi Marc !
Suzane : A très vite ! Salut !
Suzane : Bisous !
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Antoine Bisou : Salut !
Antoine Bisou : Je suis notamment le Fondateur de Microqlimat : un petit label indépendant parisien. « Petit » mais on essaie quand même de « faire les choses en grand ». On représente quatre Artistes : L’Impératrice, Isaac Delusion, Fils Cara et Pépite. On est spécialisés en développement d’Artistes : on trouve des Artistes « sortis de nulle part » et on « fait pousser patiemment la petite graine ». C’est toute la métaphore du nom Microqlimat : on est des Jardiniers patients.
Antoine Bisou : Tout est dans le nom ! Il y avait 70 dates de L’Impératrice qui devaient encore avoir lieu cette année. Elles ont été annulées ou reportées à l’année prochaine. Il faut savoir que L’Impératrice est notre Groupe principal et qu’il tourne mondialement : il était prévu cette année à Coachella (le célèbre festival californien), il devait faire un mois de tournée aux US, au Mexique, en Europe… C’est donc « chiant » de ne plus avoir de concert !
Je ne suis pas Tourneur. Je ne m’occupe pas de la programmation des concerts. Par contre, je suis Manager, donc je m’occupe du Groupe. Je suis aussi « Label ». En ce sens, même si je ne gagne pas d’argent avec les concerts directement, j’ai évidemment un intérêt à ce que le Groupe « tourne ». C’est ça qui fait vivre la musique et les disques qu’on a enregistrés. Si on sort un disque et qu’il n’y a pas de tournée derrière, c’est stérile.
On ne s’en rend pas forcément compte, mais si ça ne « vit » pas réellement et que les gens ne s’approprient pas la musique en vrai, la musique « circule » moins. C’est un peu « virtuel ».
Antoine Bisou : Le concept, c’est de dire : « On n’a pas de date cette année, mais L’Impératrice va quand même tourner cet été ».
C’est une idée qu’on a eu juste en sortie de confinement, en se disant : « On va faire dix concerts qui vont être géolocalisés dans les dix villes où il y a le plus de fans : Mexico, New York, Los Angeles, Berlin, Istanbul, Londres… Paris (évidemment) ». On « géobloque » les concerts virtuels pour recréer la même frustration et le même principe qu’une vraie tournée : la personne qui habite à Mexico voit passer le Groupe à Los Angeles et a aussi envie qu’il passe près de chez elle.
Créer la même frustration de manque et essayer de reproduire les conditions d’une tournée. Pour chaque concert, il y a une Première Partie d’un groupe d’amis locaux de L’Impératrice et un partenariat avec Heineken qui nous permet de livrer des packs de bières pour les concerts hors de France.
Se rassembler entre copains ou en famille et voir le concert de L’Impératrice malgré tout.
Antoine Bisou : Tout à fait ! On pourrait « illimiter », mais cela perdrait de la valeur et de la rareté. L’intérêt, c’est que ce n’est diffusé qu’une fois, dans ta ville, à telle heure…
Ce n’est pas un rendez-vous à toute la communauté pour un live sur Instagram « à l’arrache sur un téléphone », c’est une heure de concert monté, ultra bien ficelé, ultra qualitatif, avec une belle image, un bon son... Ça coûte cher à produire, mais on essaie de renouer « autrement », « digitalement » avec la qualité d’un « vrai Live », avec les exigences qu’ils ont sur une vraie scène.
Antoine Bisou : Plus ou moins. On a fait des montages différents pour chaque ville. Parfois ça parle un peu en anglais, parfois il y a un featuring (en France) … On a essayé d’adapter le concert en fonction des villes.
Antoine Bisou : Au final, quand un Groupe tourne, il fait la même checklist : les mêmes morceaux, dans le même ordre, dans toutes les villes. C’est donc la même chose, mais parfois la Chanteuse ou le Batteur va faire une erreur, va faire ci, va faire ça… il y a donc de légers changements : c’est ce qu’on a vaguement essayé de reproduire.
On ne pouvait pas non plus faire un concert entièrement différent pour chaque ville. Ça n’aurait pas de sens financièrement et ça coûterait trop cher à produire au niveau de qualité qu’on a voulu. Là, on a fait deux jours de tournage, dans une salle vide à La Cigale, sur le toit du B.H.V. avec vue sur Paris… On a vraiment fait une super vidéo.
Ça coûte un peu moins cher qu’un concert dans la « vraie vie » (faut pas déconner !). Ça coûte 9 euros en virtuel, mais ça peut aussi coûter 30 euros en ayant le vinyle « spécial Tournée Virtuelle 2020 » dédicacé par le Groupe, et 45 euros avec le t-shirt exclusif qu’on produit juste pour cette tournée. D’ailleurs, c’est un t-shirt assez cool : on y a mis dans le dos toutes les dates prévues de L’Impératrice barrées en rouge, avec marqué : « J’aurais pu voir L’Impératrice cette année, mais je ne l’ai pas vu ! », ou un « truc » comme ça.
Ce qui est étonnant, c’est que ce sont les places à 45 euros qui partent le mieux, et non les places à 9 euros.
J’avoue que je suis le premier surpris, mais j’ai une explication très simple : les fans veulent plus qu’une expérience digitale aussi belle et qualitative soit-elle. On touche là à une limite mais aussi à quelque chose d’ultra intéressant : le Public veut aussi un t-shirt exclusif et veut « ramener quelque chose », un souvenir de l’expérience.
L’évènement, c’est avant tout des souvenirs, c’est avant tout… quelque chose qu’on a vécu, quelque chose de tangible. Le Public aime acheter le vinyle dédicacé et le t-shirt en plus de son concert.
Antoine Bisou : Oui. Je le savais dès le début. Je ne le savais peut-être pas autant [Rires]… Pour être honnête, j’espérais qu’on vendrait un petit peu plus de tickets. On en a quand même vendu pas mal. En ce sens, c’est un beau succès (je fantasmais qu’on en vende des milliers et des milliers !).
On a bien vendu à Paris. La date qu’on a le mieux vendue jusqu’ici c’est Mexico (ce qui m’étonne qu’à moitié parce que les fans mexicains sont des « fous furieux »).
Je sais que c’est « à perte », mais rien n’est vraiment jamais « à perte » dans la vie. Le coup d’image et de communication que ça a fait, le fait d’avoir été les premiers à proposer ce genre de format, franchement, c’était trop cool !
Antoine Bisou : De rien ! C’était un plaisir de pouvoir en discuter rapidement avec vous !
Antoine Bisou : A bientôt, en virtuel ou en « vrai », je ne sais pas…