Troisième épisode* "HORS SERIE" de SOLD OUT pour réfléchir ensemble à la sortie de crise dans l'industrie du spectacle vivant. Notre invité aujourd'hui : Hugo TRAVERS, créateur de la chaîne Youtube Hugo Décrypte. Présent aujourd’hui sur tous les réseaux sociaux, il rencontre un succès fulgurant qui interroge les industries du spectacle vivant. À 23 ans, il est suivi par plus d’un million de personnes, a déjà interviewé le Président de la République et cumule plus de 87 millions de vues sur sa chaîne Youtube. Hugo s’intéresse notamment dans cet épisode aux concerts qui se vivent dans des mondes virtuels et à l’e-sport. Si, comme nous, certains de ces concepts vous échappent, ce ne sera plus le cas dans 29 minutes. Dans cet épisode, vous retrouvez « le débrief » de cet entretien avec Nicolas Blanc et Etienne GUYONNET. Et même un peu de musique à la fin. Avec de la lyre. On est des fous.
Bonjour ! Ça va et vous ?
Je ne sais pas. Au début, c’était « Youtubeur ». Maintenant, je suis sur YouTube et aussi sur d’autres plateformes.
Je suis aussi étudiant, en parallèle.
[Rires] Exactement ! J’essaie de faire des choses sur Internet pour informer les jeunes.
Oui, bien-sûr ! Il y a un objectif très clair et très simple : informer les jeunes sur les sujets qui les concernent (il y a de quoi faire en ce moment avec l’actualité !).
J’ai commencé sur YouTube avec des vidéos de cinq à dix minutes résumant l’actualité, avec une approche journalistique. Ensuite, on est allés sur Instagram où l’on s’est mis à faire de petits résumés d’actualité qui se lisent en moins d’une minute, pour résumer les cinq actualités du jour chaque soir.
Maintenant, on fait des directs : hier, j’étais à un rassemblement en soutien à Adama Traoré. Je l’ai couvert en direct. Il y avait littéralement des dizaines de milliers de gens qui suivaient ça sur Twitch. On tente aussi des choses sur TikTok. C'est très large.
Aujourd’hui, au cumul, on doit être à plus de 1 500 000 abonnés sur tous les réseaux. On est à plus de 800 000 sur YouTube et ça « grandit » de plusieurs milliers d’abonnés chaque jour. On a annoncé des formats de résumés quotidiens d’actualité, sorte de « petits J.T. » qui font entre 400 000 et 500 000 vues chaque jour.
Il y a des jeunes et des « moins jeunes ». Les 18-22 ans sont quand même le cœur de cible. Je sais que ma grand-mère suit la chaîne… et ça fait plaisir !
C’est drôle parce que j’avais déjà eu l’occasion de faire des évènements de ce type-là. On va essayer d’expliquer ce que c’est.
Ça a été particulièrement criant lors du confinement. Je me suis littéralement retrouvé, avec des amis, sur une conversation Whatsapp, à me dire : « Est-ce qu’on fait le concert du Rappeur Travis Scott sur Fortnite ce soir ? ».
Cela paraît irréel. On va essayer d’expliquer un peu ce qu’il s’est passé.
Fortnite est un jeu ultra populaire depuis 2 ou 3 ans.
C’est un jeu assez classique pour les jeunes : on est plusieurs, sur une sorte de champ de bataille, il y a de moins en moins de joueurs, etc…
Sur la dernière année, ce jeu a essayé de s’élargir et de ne plus être seulement un jeu vidéo sur lequel on va affronter d’autres personnes et essayer de finir premier. Il est de plus en plus devenu une sorte de réseau social où les gens se rassemblent et « font des choses ». Typiquement, quand on joue à Fortnite avec des amis, on en profite pour discuter. C’est un peu comme si on prenait un verre ensemble. On joue à Fortnite et on parle ensemble. Là, ça prend une « autre dimension » avec ce qui se fait depuis quelques temps. Fortnite organise maintenant des concerts auxquels on peut assister directement dans le jeu.
Le dernier exemple en date était le concert de Travis Scott, un des Rappeurs américains les plus populaires.
Concrètement, comment ça se passe ? Le concert est préenregistré… Si on est plus précis, il me semble même qu’ils ont juste diffusé la musique, mais il y avait quelque chose d’assez incroyable visuellement : quand on rentrait dans le jeu et qu’on assistait au concert, on avait une sorte de « Travis Scott géant en 3D » avec un univers graphique absolument incroyable. On pouvait donc plonger plusieurs fois dans cet univers incroyable qui ressemblait à une sorte de « concert de Travis Scott ».
Exactement. Là, on est sur un podcast : c’est dur d’imaginer ça (vous pouvez aller voir en ligne).
Concrètement, on est dans l’univers de Fortnite, mais on a Travis Scott « en immense », des jeux de lumières, de son, etc…
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’on ne pouvait pas accéder au concert à n’importe quel moment. Il y a eu plusieurs diffusions du concert. Si je ne dis pas de bêtise, il y a eu au moins quatre ou cinq rendez-vous : « A telle heure, vous allez pouvoir y assister ». C’est ce qui a fait qu’avec des amis on s’est dit : « Il y a une dernière diffusion du concert dimanche soir, est-ce qu’on n’irait pas la voir ? ». On s’est donc retrouvés à se connecter ensemble sur Fortnite et à assister au concert ce soir-là.
Ce que je trouve intéressant, c’est qu’on entend parfois qu’Internet et les réseaux sociaux sont le domaine où on peut accéder à un contenu à n’importe quel moment… Je peux d’ailleurs faire le parallèle avec l’Information.
On dit : « Aujourd’hui, les jeunes ne veulent plus le Journal Télévisé à 20 heures, ils veulent l’Info quand ils veulent… ».
Il y a peut-être une part de vrai. En même temps, je vois que le fait de diffuser tous les soirs, plus ou moins à la même heure sur ma chaîne Youtube fait que les gens se connectent et attendent la vidéo.
Si on fait un parallèle avec le concert sur Fortnite, c’est un peu la même chose. Le fait d’avoir un évènement marque quelque chose et c’est assez intéressant.
Non, c’est quand même une autre expérience. C’est assez étonnant.
Je n’ai pas fait 36 000 concerts comme ça (d’une façon générale, c’est encore le début de ce genre de chose).
J’ai vu que sur Minecraft (un autre jeu assez populaire dans le monde), il commence aussi y avoir des évènements similaires.
Je pense que c’est le tout début. C’est assez particulier. On ne ressent pas les mêmes choses qu’à un festival ou à un concert, mais c’est drôle ! On est chez soi, on peut improviser ça en quinze minutes (alors qu’improviser un concert en quinze minutes n’est pas évident en général). C’est donc assez avantageux de ce point de vue-là : pouvoir suivre ce genre d’évènement depuis chez soi.
C’est très court par contre ! [Rires] C’est assez étonnant !
On était partis avec des amis, en se disant : « On va passer un bon moment, une bonne soirée devant ce concert qui va durer une heure et demie », et je crois qu’il y a eu trois chansons ! C’était très bref !
Et encore, le cachet ne devait pas être très élevé. C’était vraiment trois chansons bien « expédiées ». Mais bon, ça restait quand même une expérience intéressante.
Autre élément intéressant : Fortnite. On est sur un jeu vidéo qui veut vraiment être une plateforme de rencontres pour les jeunes. Pour que les gens ne « décrochent » pas du jeu vidéo, la fin du concert s’est transformée en une partie de jeu vidéo (c’était très intéressant). Dès la fin du concert, Travis Scott disparaît, nos armes apparaissent (c’est un jeu très « soft » : il n’y a pas de sang) et on se retrouve à affronter les autres personnes qui sont dans l’univers. Fortnite veut quand même qu’on reste sur le jeu et qu’on profite, évidemment, du jeu vidéo avant tout.
C’est vrai. C’est quelque chose qu’on voit dans ce qui s’est passé en cette période de confinement : des Artistes ont fait des concerts en live stream, depuis chez eux ou depuis un lieu, et qui ont diffusé sur YouTube ou sur d’autres plateformes. Même dans le cadre de ces concerts-là (je l’ai vu sur celui de David Guetta), ils essaient d’avoir de l’interactivité.
Il y a quelques jours, David Guetta faisait un concert depuis New York pour récolter des fonds. Pour avoir un minimum d’interactivité, des fans pouvaient se connecter via Zoom et se filmer en train de vivre le concert.
Cela montre que malgré le caractère virtuel de la chose, on essaie de se rassembler et d’avoir de l’interaction. C’est assez intéressant de ce point de vue-là.
C’est intéressant de voir que Minecraft (un autre jeu à l’univers assez important) a organisé un festival de Musique il y a quelques jours. Si je ne dis pas de bêtise, il s’appelait Block by Blockwest (probablement en référence à South by Southwest). « Block » parce que l’univers de Minecraft est composé de petits « blocks », de petits cubes.
Il y avait donc cet évènement qui, en l’occurrence, était payant.
Moi, j’y crois. Je pense que ça ne remplacera pas du tout les concerts dans l’immédiat. Ce ne sont pas du tout les mêmes sensations, on n’est pas physiquement avec nos amis… Il y a plein de différences de ce point de vue-là, mais pourquoi pas dans un avenir (plutôt dans plusieurs années). Si la réalité virtuelle finit par bien fonctionner et qu’on peut être en immersion dans cet univers, pourquoi pas ? Si à la dernière minute on n’a pas envie de sortir pour un concert, on peut le faire chez soi et vivre ce genre d’expérience. Ça peut être pas mal !
Je pense qu’il y a, évidemment, énormément d’éléments pour répondre à ça.
Il y a parfois une méconnaissance de la façon dont les jeunes s’informent, communiquent, etc… que ce soit en matière de codes, de plateformes, de formats.
Pour moi, il y a aussi une part assez importante en matière d’incarnation. Ce qui est très important aujourd’hui, c’est que dans le cas d’une marque ou d’un Influenceur, la situation n’est pas la même. L’un apparaît comme une marque, une Institution, quelque chose d’assez obscur finalement. L’autre apparaît comme « un jeune qui va faire quelque chose pour d’autres jeunes ».
Je l’ai particulièrement réalisé sur ma chaîne. Avant « Hugo Décrypte », j’avais lancé une sorte de média participatif qui s’appelait Radio Londres, où des jeunes pouvaient écrire, diffuser, etc…
Quand j’ai commencé mes études à Sciences Po, j’ai voulu lancer une chaîne YouTube sur l’actualité. Je me suis dit : « Est-ce que je crée la chaîne YouTube « Radio Londres », ou est-ce que je crée une nouvelle chaîne YouTube, avec mon prénom, où j’assume d’être un jeune étudiant qui va parler d’actualité à d’autres jeunes ? ». Je pense que le choix de s’être appelé Hugo Décrypte et pas Radio Londres a beaucoup « joué ».
C’est évidemment un élément de réponse parmi tant d’autres, mais je pense que ce côté « incarnation » est assez important.
C’est intéressant parce que la dernière fois qu’on a eu ce genre de crainte, c’était au moment des attentats en 2015 / 2016, où on s’était dit : « Est-ce qu’on va pouvoir y retourner ? », etc…
J’aime énormément les concerts. Cet été, je voulais faire une tournée de festivals et me faire plaisir en en faisant un maximum. J’adore ça et j’y retournerai dès qu’on pourra y retourner. Je n’ai pas forcément de crainte de ce point de vue-là. Est-ce que ça sera partagé par les autres ? Je ne sais pas. Ça reste à voir.
Ces derniers mois, j’ai un intérêt grandissant pour l’e-sport : une autre forme de spectacle.
L’e-sport, qu’est-ce que c’est ? Pour faire très simple, c’est la compétition des jeux vidéo.
Aujourd’hui, certains jeux sont faits de telle façon qu’il y ait de la compétition. Il y a de vraies différences de niveaux et des championnats se mettent en place, soit par pays, soit par club. On a donc des clubs comme on a des clubs de football, etc…
Aujourd’hui, il y a de vraies compétitions. Au mois de février, j’étais à Montréal pour voir une vraie compétition d’un jeu vidéo qui s’appelle Rainbow Six. C’étaient un peu les Championnats du Monde de Rainbow Six, développé par Ubisoft. Il y avait littéralement des dizaines de milliers de personnes dans un stade pour voir ces finales. On avait des joueurs face à nous, « sur le terrain », sauf qu’ils étaient avec des ordinateurs, des écrans géants qui diffusaient le point de vue des deux équipes, les scores, etc…
Pour la première fois, j’ai vu un évènement d’e-sport, chose que je n’avais jamais vu avant. J’ai été assez choqué, pas de l’ampleur (je le savais déjà : je ne suis pas trop éloigné de ce milieu. J’ai plein d’amis qui y bossent), mais de l’ambiance sur place ! C’était assez incroyable, avec un Public comme on peut en voir dans le football. Il y avait d’ailleurs des supporters brésiliens venus du Brésil pour supporter leur équipe. Ils étaient venus à Montréal avec leurs drapeaux… Il y avait une ambiance assez folle !
En ce moment, je joue beaucoup au jeu Valorant. Il est « taillé pour l’e-sport : il risque d’y avoir beaucoup de compétitions sur ce jeu. J’ai hâte du jour où il y aura des compétitions, dans les mois à venir, sur ce jeu. Ça me tenterait d’aller voir ça. En plus des concerts, c’est le genre de choses auxquelles j’ai envie d’assister et que j’irai voir dans les prochains mois.
C’est clair ! Pour l’instant, ce ne sont pas les concerts sur les jeux vidéo qui remplaceront ça. Je n’y crois pas trop.
J’ai pas mal hâte d’y retourner.
Qu’est-ce que j’écoute ? C’est assez diversifié. Au quotidien, j’écoute beaucoup de Rap, de Reggaeon (ce qui surprend pas mal, je ne sais pas pourquoi !). [Rires] C’est beaucoup de musiques d’Amérique du Sud : Ozuna, J. Balvin, de la Trap d’Amérique Latine avec Bad Bunny (un des meilleurs Artistes du moment, que j’adore écouter), Rosalia, une Artiste espagnole que j’aime beaucoup. Après je suis assez ouvert… On découvre des choses, c’est aussi l’avantage du festival.
J’ai pas mal hâte d’y retourner. Ce ne sera pas pour cet été. Pour l’été prochain, ce sera sympa !
Merci beaucoup, merci à vous ! A bientôt !