Saison 1

S01E06 - Gilles Mattana, producteur de Messmer, Véronique DiCaire, ...

Zoom sur les métiers de producteur et de tourneur ! Quel est le rôle du producteur ? Comment s’articule-t-il avec celui de tourneur ? Comment évoluent ces métiers en cette période de transition digitale ? Notre invité Gilles Mattana (sociétés Book your show et Les Deux Belges), producteur indépendant de Messmer, Véronique DiCaire, Les cowboys fringants, Voca People, « Les hommes viennent de Mars, les femmes de Venus » et bien d’autres, répondra notamment à ces questions. Bonne écoute !

Sold Out Gilles Mattana Book Your Show Les Deux Belges

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SOLD OUT - Saison 1, épisode 06 : Gilles Mattana 

- Bureaux des Sociétés de Production et de Tournées de Gilles Mattana (Paris 9ème) -

Gilles, au début, tu n’étais pas Producteur de spectacles. Tu étais Sportif de haut niveau.

Exactement. J’ai fait toute une carrière de Sportif (sport-études) jusqu’à 24 ans. Puis, j’ai tout quitté en peu de temps et je suis arrivé, je ne sais pas comment, dans le Monde du Spectacle.

J’habitais avec un de mes cousins (on était en colocation). Il faisait un peu de guitare, il était dans des groupes… 

Il a écrit ses chansons et a voulu que je l’aide à « monter ça ». On a donc commencé comme ça, tous les deux.

Ce devait être une vie complètement étrange dans cette colocation : d’un côté un Musicien, de l’autre côté un Gymnaste, c’est ça ?

Oui, c’est ça ! En fait, on a fait un apéro (des fois, il y a des vertus à l’apéro ! [Rires]). On était un peu « pétés », il m’a fait écouter ses chansons et j’ai trouvé ça génial, évidemment. Je lui ai dit : « Lances-toi, ça va cartonner ! ». Il m’a dit : « Ouais, mais moi tout seul, je ne sais pas faire ». Je lui ai dit : « Mais allez ! Je t’aide ! », et c’est vraiment parti comme ça.

Il a monté un groupe, il a fait ses chansons… J’ai vraiment commencé comme ça. J’ai tout appris. Il a fallu trouver des dates de concerts, des salles de répétitions, financer et promouvoir l’album… tout faire ! C’est comme ça que ça a démarré.

Tu as cessé de t’entraîner d’un jour à l’autre ?

Oui, du jour au lendemain. En six mois, j’ai pris ma décision et j’ai tout arrêté. 

Donc, un métier appris complètement « sur le tas » ...

Absolument. Je ne l’ai pas du tout anticipé. Je n’y ai pas du tout pensé. En plus, toute ma carrière scolaire a été plutôt axée sur la suite de ma carrière sportive… [Rires]

… et sur les apéros ! 

[Rires] Non, justement, je me suis bien rattrapé après (on ne buvait pas trop).

J’ai juste fait une Ecole de Commerce qui m’a quand même un peu structuré, au moins sur les calculs. C’était toutes les armes que j’avais. De toute façon, dans nos métiers, il y a bien évidemment un peu de Gestion mais c’est beaucoup du relationnel, du ressenti, de l’énergie… des choses que tu apprends au fur et à mesure.

Quand dirais-tu qua tu es vraiment devenu Producteur de spectacles ? Ce jour où tu as pris la décision, quand tu étais salarié d’une structure ? Pour toi, quand est-ce que le switch s’est vraiment fait ?

Je ne sais pas. Peut-être à partir du moment où j’ai mis de l’argent (que je n’avais pas) sur un Groupe. Je pense que ça a commencé comme ça.

Tu as mis de l’argent que tu n’avais pas sur un groupe ?

Oui, il faut bien dépenser de l’argent ! Tu te dis : « OK, mon revenu sera la recette du concert », mais il faut bien dépenser avant pour réserver la salle, payer les affiches… Je n’avais pas forcément d’argent de côté, j’ai donc dû trouver des astuces pour le faire.

Comment fait-on ? On demande à sa famille dans ce cas-là ?

Tu croises les doigts en te disant : « Les recettes vont être supérieures aux dépenses ». Tu anticipes le succès.
Des fois, ça marche et des fois ça marche moins bien.

Ca a marché ?

Ecoutes… ça a marché, oui !

C’était pour ce Groupe justement ?

Oui, pour ce Groupe. Après, comme il y a eu un beau succès pour ce groupe en local, d’autres Groupes locaux m’ont demandé de travailler avec eux, puis un Humoriste… Ca s’est enchaîné et j’ai monté une première structure assez rapidement d’ailleurs, pour porter tout ça.

As-tu connu des échecs retentissants ?

Lors de mon deuxième Festival d’Avignon, je me suis pris une « bonne douille ». Une « bonne douille », ça veut dire que tu y vas un peu confiant et, clairement, le spectacle n’intéresse pas le Public. Le Public ne vient pas. Tu as beau t’exciter à aller convaincre des gens de venir, à faire de la promotion, etc… quand ça ne va pas, ça ne va pas.

Quand un Artiste ne rencontre pas son public, tu as beau t’agiter, ça ne fonctionne pas.

Est-ce que ça va jusqu’à remettre en cause l’existence de la Structure que tu avais créée ?

Oui, parce que j’étais un peu « fragile » au début. Je n’avais pas forcément de financement, tout ce que je gagnais je le réinvestissais. C’était vraiment extrêmement fragile, effectivement. C’était mes années de formation. Au final, tu apprends à mieux gérer, à mieux anticiper, à calculer tes risques…
Je pense qu’il y a une part d’inconscience dans nos métiers. Tu ne peux pas rendre tout rationnel. On n’est pas dans un métier rationnel. Si tu veux tout rendre rationnel, au final, tu ne fais pas grand-chose : tu ne prends aucun risque. 

Au final, dix ans après, les plus beaux succès que j’ai vécus jusqu’à maintenant, c’est parce qu’il y a une part d’inconscience. Tu as le risque que tu imagines, mais tu y vas parce que tu y crois ! C’est tout. Il n’y a pas d’autre chose.

Peut-on dire que The Voca People est ton premier « gros » spectacle de taille presque industrielle, ou en as-tu eu avant ?

Effectivement, j’étais salarié d’une structure et je me disais : « Il faut qu’on ramène des choses un peu « nouvelles » qui n’existent pas tellement en France ». Grâce à YouTube et à Facebook, je suis tombé sur une vidéo des Voca People. A l’époque (2006-2007), ils buzzaient : ils avaient fait plus de 6 000 000 vues (ce qui n’est « rien » maintenant mais c’était beaucoup à l’époque), comme ça : sans « pousser la vidéo ».
La vidéo est arrivée plusieurs fois sur ma page Facebook, j’ai essayé de savoir qui c’était. Ils étaient Israéliens, j’ai trouvé un nom de « boîte », j’ai écrit… C’était un peu naïf de ma part, mais je pensais que c’était déjà signé par d’autres. En fait, pas du tout : leur spectacle n’était même pas créé. 

On a commencé à prendre contact. A l’époque, j’avais un anglais… [Rires]

Un peu moins parfait qu’aujourd’hui…

… il n’est pas « parfait », mais en tout cas beaucoup plus clair !
« Welcome to France ! If you want to come, I will be very happy to welcome you ! I have a big project for you ! ».
[Bienvenue en France ! Si vous nous rendez visite, je serai ravi de vous accueillir ! J’ai un gros projet pour vous !]

C’était vraiment ce niveau-là.
Au final, ça s’est fait. C’était une longue négociation avec eux et ça a eu « le succès que ça a eu ». Le temps de préparation, c’était quand même un an et demi avant qu’ils n’arrivent sur le territoire Français. J’avais vraiment pensé la stratégie et j’avais beaucoup travaillé mon projet.

Des fois, il arrive que tout ce que tu as mis en place, tout ce que tu as pensé se réalise vraiment comme tu l’as pensé.
On quand même a fait cinq saisons avec The Voca People en France. C’était extrêmement fort.

Il y avait déjà quelque chose d’assez novateur : si je me souviens bien, vous aviez associé une marque à The Voca People

Exact. Ferrero s’était un peu intéressé à « ces bonhommes en blanc qui chantent ». Ils s’étaient dit : « Ça ressemble à des Tic Tac. On va donc faire des pubs The Voca People / Tic Tac ».

Ferrero est donc arrivé dans l’affaire et on a vraiment utilisé cette force-là (évidemment, on n’est pas du tout sur les mêmes montants sur l’industrie de Ferrero). On a fait des choses extrêmement intelligentes, on s’est bien entendus et ça a fait ce succès en France. La même stratégie a été développée en Italie, ça n’a pas du tout fait la même chose. C’est aussi la différence entre les Marchés : on ne peut pas travailler de la même manière dans n’importe quel pays.

C’est ça que tu aimes… Prendre les Artistes et tenter de te dire : « Qu’est-ce qu’on peut faire pour les développer en France et faire avec ce qu’ils sont et ce qu’est la France ? ».

J’aime bien aussi inventer des choses et les fabriquer pour pouvoir les mettre sur le territoire Français (ou francophone) et sur des territoires internationaux, comme Bharati par exemple.

Bharati existait depuis 10 ans sur une première version…

Peux-tu nous raconter ce qu’est Bharati pour les gens qui ne connaissent pas ?

Bien-sûr ! Bharati est un spectacle complètement « Bollywood », avec des danseurs et chanteurs indiens. Ca raconte l’histoire d’une jeune fille qui est née en Europe et qui retourne dans son pays d’origine, l’Inde (le pays de sa famille).

On a eu un grand succès pendant 10 ans. Bharati est passé « dans les mains » de plusieurs Productions (on l’a récupéré sur les dernières années). Puis, on a décidé de fabriquer la suite, Bharati 2, avec eux. L’idée était de l’amener sur le territoire Français ou francophone et de le développer sur d’autres territoires. 

Je voudrais qu’on s’arrête un instant sur la « deuxième jambe », si j’ose dire, de ton activité. Celle d’un circuit plus confidentiel, différent, « parallèle » au circuit public : la création de spectacles plus « pointus », moins « grand public », mais aussi exigeants…

On fait beaucoup de différences entre le Théâtre Public et le Théâtre Privé en France. C’est assez… j’allais dire « affligeant » : je pense qu’on n’est plus du tout dans des périodes où on doit séparer les choses de la même manière. D’ailleurs, on ne se pose pas du tout la question au Cinéma. Oui, il y a le Cinéma d’Auteur et la « grosse industrie » cinématographique, mais le Public aime bien voir les deux, en fait.

Quand je vais au cinéma, j’ai de temps en temps envie de me « prendre un peu la tête » et d’être nourri avec des choses très intellectuelles puis, des fois, j’ai juste envie d’aller voir un « gros » Avengers, avoir de l’émotion, etc…
Au final, je vais dans la même salle de cinéma.

Dans le Spectacle, on ne peut pas faire ce parallèle. Il y a des salles vraiment spécialisées en « Recherche et Développement » ou en « haute intensité artistique ». Il est difficile de mettre des mots dessus (au final, on parle de « pas grand-chose »). Il y a des spectacles pour divertir, spectacles pour « nourrir » et des spectacles qui font les deux. Moi, je n’aime pas mettre de limite là-dessus.

Pour en revenir à ta question, effectivement, une partie de mes activités est vraiment dédiée à ce qu’on appelle le « Théâtre Public » ou le « Théâtre de Ville », des centres culturels aux centres nationaux, où on a une offre de spectacles qui est adaptée à ça : du Théâtre Contemporain, du Cirque Contemporain et, depuis quelques années, de la Danse Hip Hop.

On a développé la Danse Hip Hop suite à la rencontre avec Marion Motin, qui est Chorégraphe. J’étais totalement amoureux de son travail. Je ne faisais pas de danse du tout mais j’avais envie qu’on travaille ensemble. De là est née une belle collaboration avec Marion et d’autres Compagnies de Danse.

Je t’arrête un instant parce qu’il y a beaucoup d’informations.
Marion Motin (pour que nos auditeurs le comprenne bien) est la Chorégraphe de Christine and the Queens et de Stromae, notamment. Elle a aussi chorégraphié Résiste, la comédie musicale sur la vie de France Gall et Michel Berger. 

Exact. Elle ne travaille plus avec Christine and the Queens mais avec Angèle par exemple. Elle fait beaucoup de choses et elle développe aussi ses activités et sa Compagnie.

C’est vraiment sur cette partie de la Compagnie de Marion Motin que tu as travaillé pour « l’exposer » partout en France…

Tout à fait. On a aussi une volonté de « l’exposer » à l’international. Je pense qu’elle a tout à fait les capacités de devenir une grande Chorégraphe qui tourne dans le monde entier.

Soyons concrets : c’est quoi le « boulot » d’un Producteur pour ça ? Travailler l’affiche, travailler le fond du spectacle, travailler son positionnement ? 

Il y a plein de métiers de Production. D’ailleurs, il y a plein de manières de produire.

Je suis Producteur, tu es un Artiste. Tu viens me voir et tu me dis : « Je veux faire ça ». En tant que Producteur, j’ai les moyens et les équipes pour le faire et je vais le réaliser. Je vais donc « partir de toi ». Ça, c’est une première version.
Il y a une version un peu plus complémentaire : tu arrives avec un projet pas très clair et je vais t’accompagner sur ce projet-là, en apportant une plus-value, en disant : « Ton idée est bonne, mais peut-être qu’on pourrait aller aussi là ».
Il y a aussi des Artistes qui sont vraiment sur la partie créative, un peu « la tête dans le guidon », et tu leur apportes une stratégie beaucoup plus générale, avec une vision à moyen et long terme.

C’est aussi ça le rôle du Producteur : au-delà des moyens financiers, techniques, de Communication et de Marketing, c’est de penser beaucoup plus général et beaucoup plus à long terme.

Est-ce que, parfois, ça se « fracasse » sur l’intention artistique ? Est-ce que, parfois, certains Artistes comprennent ce que tu aimerais faire avec eux, mais n’assument pas, ne veulent pas « passer une étape » ?

Bien-sûr ! Des fois, tu ne comprends pas l’Artiste. Des fois, il est changeant et ne sait pas forcément ce qu’il veut : on arrive avec une idée et quand ça commence à se concrétiser, l’Artiste dit : « Ce n’est pas du tout ce que j’ai envie de faire ». Ou tu revois ta copie, ou tu te dis : « On n’est pas tout à fait sur la même vision. Je ne suis peut-être pas la bonne personne pour toi ».

Au fond, ton « boulot » c’est finalement aussi de faire de la Recherche et du Développement…

Oui ! Tu peux aussi travailler avec des Artistes qui ont déjà « eu une vie » avant,et leur donner un « second souffle », une seconde vision.

C’est ce que vous avez fait avec Robert Charlebois…

Absolument !

On en parle un instant ?

Bien-sûr !

Qu’est-ce que vous avez fait exactement avec Robert Charlebois ?

Robert… est présent sur le territoire français depuis très longtemps. Chaque année, avec une autre Structure, il venait faire des tournées. 

On était en lien avec son Manager Québécois à qui on a dit : « On a d’autres idées pour Robert : bien communiquer quelle est la place de Robert dans le Monde de la Francophonie et de la Chanson ». Ce qu’on a tous oublié, c’est que Robert Charlebois a apporté énormément de choses dans la Chanson Francophone. Il a participé à la Révolution Culturelle du Québec. 

Il faut bien savoir que dans les années 1970, les parents interdisaient aux enfants d’écouter du Charlebois. Il y a toute une histoire qu’on a reraconter avec différents médias. On a redécouvert ça.
Je ne sais pas combien de dates on a fait avec Robert l’année dernière, mais c’est « énorme » !

Plus d’une cinquantaine, je crois. Un Grand Rex

Exact ! Il revient bientôt avec un spectacle qui retrace toute sa vie. 

Robert est un « vrai Rockeur ». Il a plus de 70 ans, mais c’est un gars génial !

Rétrospectivement, quand découvrez-vous Messmer ? Il avait bien entendu joué au Canada avant, c’est ça ?

Quand on a connu Messmer, il était déjà une star au Canada.

La « légende » veut que 50 % des Canadiens avaient acheté des billets pour voir Messmer, c’est ça ? On ne sait pas si c’est vrai d’ailleurs… [Rires] 

Si, c’est vrai !
Au Québec, ils aiment énormément les spectacles. Ils vont en voir énormément, et notamment des spectacles d’humour. On peut placer Messmer dans l’Humour : il y a de l’humour dans son spectacle.
Quand on l’a découvert, on nous a dit : « Viens voir un Hypnotiseur québécois ! C’est une star ! ». A l’époque, ce n’était pas très « sexy » à dire. J’avoue que j’y suis allé en mode : « OK, je vais aller voir… », sans vraiment d’attente. 

On voit beaucoup de spectacles dans nos métiers. De temps en temps, on manque un peu de recul. On oublie d’avoir le « regard de la première fois ». Là, je me rappelle très bien qu’on était comme des enfants (on était cinq) : « Ah, mais c’est génial ! Comment c’est possible ? ».

On en a tellement parlé en sortant (je discutais avec des amis), qu’on s’est dit : « Si nous sommes capables de réagir comme ça, beaucoup d’autres gens sont capables de réagir comme ça ». On s’est dit : « On y croit. C’est le bon moment pour le faire ». On est partis sans se poser de question. On s’est dit : « Si on est capables de faire un bouche-à-oreille déjà aussi fort, le Public fera la même chose ». C’est ce qui s’est passé.

Tout le sujet, c’était qu’en France il jouait déjà (il venait déjà de temps en temps), mais ça ne marchait pas.
L’alchimie qui prenait outre-Atlantique ne prenait pas encore en France, c’est ça ?

C’était le tout début. Très peu de choses avaient été faites en France, en fait.
Nous, on a dit : « On y croit à mort ! On va y aller vraiment très fort ! ». On a donc réservé le Théâtre Bobino… voilà.

Pour vous avoir rencontré à l’époque (dans une autre vie), vous étiez déjà persuadé, en installant Messmer en France, que c’était une « affaire de quatre ans » : ça allait monter tout doucement en puissance d’année en année.
Vous ne vouliez pas que ce soit une « fusée » qui parte tout de suite…

Tu ne sais jamais. Tu ne sais pas combien de temps ça va prendre.
On s’est dit : « Le bouche-à-oreille va être fort, il faut qu’on mise là-dessus ». Au début, on a effectivement tout organisé pour « enclencher » le bouche-à-oreille. Ca a pris quand même un an. 

La force de ces spectacles, c’est que quand le Public aime, il en parle. On a fait une première année un peu difficile au Théâtre Bobino et en tournée, et la deuxième saison, les gens parlaient tellement et tellement fort, que c’était « parti » !

C’est pareil pour les Médias. Messmer a fait le tour des Rédactions de presse pour aller hypnotiser les Rédacteurs en Chefs, les équipes, etc… parce que personne n’y croyait ! Quand tu as ton Rédacteur en Chef qui est par terre, totalement hypnotisé, qui pleure… tu es « scotché ». Tu ne peux rien dire.

Qu’avez-vous changé entre ce qui se passait au Canada (au Québec) et en France ? J’imagine que ce n’était pas exactement le même spectacle…

On a énormément travaillé l’Artistique : il y a des histoires de goûts et des histoires de culture. Quand la première version du spectacle de Messmer est arrivée en France, on a très vite vu que des choses ne fonctionnaient pas, ou moins bien. On a travaillé avec les équipes artistiques de la Production québécoise et Messmer. On a travaillé l’accent aussi : il a un accent québécois et on avait besoin de compréhension tout à fait claire (même s’il a gardé son accent, évidemment). Puis, on a travaillé sur le contenu : effectivement, il y avait des choses un peu moins pertinentes sur le marché français.

Donc, Messmer… Première saison un petit peu « dure » ? On « serre un petit peu les fesses, les dents… » : « Qu’est-ce qui va se passer ? ». Après ça s’est « envolé » …

Chaque année, on se disait : « L’hypnose… Les gens vont se lasser… ». Chaque année, on vend plus de billets !

Quand je te parlais « d’air du temps », je pense que ce type de spectacle où tu viens vivre quelque chose avec des amis, avec ta famille, où tu viens partager quelque chose d’exceptionnel… Maintenant, les gens viennent pour être hypnotisés, ce qui n’était pas le cas au début. Au début, ils venaient en mode : « Non, je ne veux pas. Je veux regarder ce qu’il se passe ». Maintenant, les gens viennent à plusieurs, entre potes, en disant : « On veut être hypnotisés », « Tu vas monter sur scène ! » … c’est le grand huit !

Peut-on parler d’autres projets ?

Bien-sûr ! 

Par exemple, Jean-Luc Lemoine : vous l’avez aussi accompagné. Là encore, était-ce un travail de chaque instant sur le spectacle, l’offre… ? Quelles différences, quelles ressemblances ?

Jean-Luc fait de l’Humour depuis très longtemps. Quand on l’a « récupéré », c’était tout au début de sa collaboration sur TPMP

On a eu la chance qu’il fasse à la télé ce qu’il faisait en Humour : il y avait une cohérence dans ce qu’il faisait. Il a évidemment élargi son public. Plein de publics (notamment une jeune génération) ne le connaissaient pas. 

On l’a accompagné avec ses « envies ». On était sur quelque chose d’assez traditionnel dans la manière de produire : on accompagnait un Artiste qui voulait faire quelque chose. On était vraiment en étroite collaboration avec lui, avec ses « envies », ce qu’il voulait faire, ne pas faire… « On pourrait t’amener là », « On pourrait faire ça, ça pourrait être nouveau », « Qu’est-ce que tu en penses » … On est beaucoup dans l’échange.

Quand tu dis « on », ce sont beaucoup tes « boîtes de Production » et tes Partenaires aussi…

Mes Partenaires, voilà. Notamment Alain qui est mon partenaire depuis The Voca People. On s’est vraiment rapprochés il y a quelques années sur l’ensemble de nos activités. Il a travaillé avec Charles Aznavour sur la partie internationale pendant plus de quatorze ans. C’est lui qui a développé le projet Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus qui a été un énorme succès.

On aime bien faire des concepts. Les concepts un peu bizarre, auquel personne ne croit (Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus, The Voca People, Messmer) … ça nous « excite à mort » !

Les modèles d’Humour… Quand on développe un Artiste en Humour, tout le monde fait à peu près la même chose (avec des différences, bien évidemment : les Artistes sont différents). Quand tu « ramènes » Messmer ou The Voca People, tu dois vraiment te « creuser la tête » en disant : « OK, c’est quoi mon marché ? Je n’ai pas d’exemple. Il va donc falloir que je crée quelque chose ». Là, intellectuellement, c’est hyper intéressant.

Et parfois, patatra ! Ça ne marche pas…

Oui. On a tous vécu ça.

Forever Young ?

Forever Young, oui… une comédie musicale qu’on a montée en 2015.

C’était aussi pendant les attentats de 2015, il y a eu beaucoup de choses… mais je pense qu’on a raté ce spectacle, clairement. Là, tu vois le spectacle, tu te dis : « OK… ». On n’a pas fait les bons choix… c’est raté, quoi !

Tu l’as senti à quel moment ?

Tu sais, quand tu pars dans une aventure, tu as toujours l’espoir qu’à moment donné « ça le fasse ». Sinon, tu arrêtes tout de suite. Tu as quand même une énergie qui est lancée… C’est une aventure humaine, il faut bien le savoir.
Tu le « lances », tu le mets devant un public… Quand tu vois que « ça ne prend pas », tu essaies de faire les modifications qu’il faut (un spectacle ne sort pas parfait), tu l’adaptes… et tu sens qu’il n’y a pas d’envie.

J’ai aussi réussi des spectacles où il n’y avait pas d’envie du Public. Ça arrive aussi.

Ça t’est déjà arrivé de « retourner le gant de toilette », si j’ose dire ?

Quand il n’y a pas d’envie, il n’y a pas d’envie. Tu es battu d’avance : c’est un sujet que le Public n’a pas envie d’entendre à ce moment-là. 

Pour Messmer, peut-être que dix ans avant, le Public nous aurait dit : « L’Hypnose ne nous intéresse pas ». On aurait eu beau faire le plus beau spectacle d’Hypnose du monde, si le Public n’avait pas envie de voir ça à ce moment-là, il n’y serait pas allé. 

Si tu regardes les spectacles qui « marchent » et ceux qui « ne marchent pas », il y a une histoire d’envie.
Il y a des spectacles ratés et des spectacles qui ne rencontrent pas leur Public. C’est triste, mais malheureusement c’est comme ça. On fait un métier pour faire rencontrer un Artiste, un spectacle et un Public. Si le Public n’a pas envie… il ne vient pas, tout simplement. 

Tu parlais tout à l’heure « d’équipe Marketing » qui te faisait des recommandations. Je crois que vous avez beaucoup évolués et changés dans vos pratiques depuis quelques années, sur ces points-là…

Comme tu le sais, le Monde du Spectacle est en train de changer totalement. Les Acteurs sont en train de changer, les Artistes aussi… tout est en train de se « bousculer ». Les Producteurs doivent donc aussi se remettre à changer.

Ce qui est passionnant, c’est qu’à 44 ans, je vis une évolution de mon métier. J’ai l’impression que je participe à l’évolution de quelque chose. 

Quand tu arrives et que tout est déjà un petit peu « scellé », que les Acteurs sont là… tu te fais ta place, évidemment. Quand tu vis une période de transition comme celle-là, ça peut faire peur, mais je trouve ça hyper excitant !

Cela veut dire qu’il y a plein de choses à réinventer, notamment toute la partie Digital et Numérique.
Cela implique énormément de choses : la manière de vendre, la manière de travailler avec un Artiste, les possibilités, le rôle de Producteur. Quand un Artiste arrive et maîtrise totalement sa communauté, son public et son univers artistique : quel est le rôle du Producteur (à part être Secrétaire, Banquier… ou « caler des dates ») ? Ce n’est pas le même métier. 

Cela nous force aussi à réinventer les choses, à proposer de nouveaux modèles aux Artistes pour les faire encore plus évoluer. Au final, ce sont eux qui « poussent », qui sont « en attente ».
Des Artistes un peu « perdus dans leur Musique ou leur Art » et qui ne pensent pas au « reste » … j’en rencontre de moins en moins. Maintenant, tout le monde est un peu « structuré », sait un peu comment ça marche. Ce sont quasiment des chefs d’entreprise à qui nous avons affaire. Il faut donc avoir une valeur ajoutée. Si tu n’en as pas, ça ne marche pas.

Ta valeur ajoutée, c’est notamment d’être un peu « l’expert » de certains publics : savoir comment leur parler ou juste comment les identifier ?

Oui, c’est ça ! Apporter une compétence. Il a un projet et tu apportes une compétence à ce projet-là.

Ce que j’aime bien faire, c’est être un peu « couteau suisse » : si un Artiste n’arrive pas avec la même demande ni la même envie parce qu’il a déjà des compétences, je lui offre ce qui est complémentaire à ce qu’il est. Je ne peux donc être que Tourneur, ne faire que la partie Production, ne faire que la partie Digital…

Chaque Artiste est unique et a une volonté propre. Le but est de trouver son individualité et de lui apporter des choses complémentaires en fonction de lui. J’aime bien ça. Je ne travaille pas du tout de la même manière avec tous mes Artistes. 

Ça a été dur de changer ? Au début, votre métier (le Marketing), c’était d’avoir un Service qui négociait avec des afficheurs ou des Médias pour avoir des tarifs moins chers, collait des affiches ou faisait passer des messages. 

Aujourd’hui, ce n’est plus du tout ça. Ce sont des messages beaucoup plus ciblés, beaucoup plus nombreux…

J’ai un peu éprouvé la résistance au changement. Intellectuellement, tout le monde est d’accord pour dire : « Il faut changer, trouver des nouveaux « trucs » ». Après, pour le mettre en place… On a tous une résistance au changement (je crois que c’est vraiment une réaction du cerveau) et, au final, on n’aime pas tellement changer les choses.

 Il y a donc eu beaucoup d’interrogations. Les parties Digital et Numérique, ce sont beaucoup de questions et plein de domaines différents. Tu ne peux pas dire : « Voilà, j’ai trouvé la solution : c’est aussi simple que ça ! ».
Tous les Producteurs sont en train de chercher. J’ai eu beaucoup de discussions avec mes collègues. Ce que j’aime, c’est qu’on partage énormément d’informations. Personne n’a de vérité. Personne n’a sorti « le » modèle (je pense qu’il n’existe pas). Il y a beaucoup d’échanges, en tout cas pour ceux qui veulent bien s’y intéresser.
Encore une fois, cela fait partie de notre avenir. Je pense que ceux qui ne s’y intéressent pas vont « mourir » dans peu de temps : ce n’est pas l’avenir, c’est déjà le présent !

Je pense que notre Industrie est un petit peu « à la bourre ». Plein d’autres Industries, qui ne sont pas du Spectacle, sont déjà très avancées sur la partie Numérique, en Marketing, en Vente Digitale… Nous, on n’est pas en avance. Il faut être « présent », il faut être « maintenant », il faut avancer.
Ce sont beaucoup d’apprentissage et de force de conviction quand tu dois convaincre tes équipes de tester des choses. Ça marche, ça ne marche pas… Tu apprends et tu passes à autre chose. 

On a commencé ce podcast en parlant de ta carrière de Gymnaste et de Sportif de haut niveau. Qu’est-ce qui te rattaches à cette période aujourd’hui ? 

Je pense que c’est ma personnalité, clairement.
J’aime bien faire des plans de match : « Voilà notre objectif, on va y aller comme ça… » [Rires], c’est très « sportif » de faire ça. Dans les stratégies que je propose aux Artistes, il y a un peu de ça. Il y a un peu de séquences d’entraînement. C’est un peu fait de la même manière. 

Durant toute la saison, un Sportif de haut niveau ne peut pas « être au top » à toutes les compétitions, c’est impossible. Il doit choisir. Je pense que c’est un peu pareil pour les Artistes.
J’aime les accompagner car un Artiste n’est pas que son art. C’est sa personne, son inconscient, c’est « qu’est-ce qui le fait courir ? », « c’est quoi sa recherche ? » … 

Je trouve que c’est hyper important de comprendre l’Artiste et de savoir tout ce qui est « à l’intérieur » pour essayer de dévier ses résistances et l’accompagner le mieux possible. Voilà ce que ça m’a appris.

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