Saison 1

S01E03 - Mathilde Carron, productrice humour et stand-up

À la fois communicante, marketeuse, productrice et manageuse, Mathilde Carron a découvert le théâtre et l’humour durant ses 6 années passées chez Jean-Marc Dumontet Production. Jeune femme couteau suisse à la carrière déjà bien remplie, elle a lancé 3 structures qui illustrent ses multiples facettes : Stand Up Society,  Le Label, et Mathilde & Geoffrey où elle a travaillé avec Fary sur l’ouverture de Madame Sarfati, le tout nouveau comedy club Parisien.
Mathilde nous raconte dans SOLD OUT
sa passion des rencontres humaines et artistiques, et montre comment on peut communiquer autrement lorsqu’on travaille au plus près des artistes.

Sold Out Mathilde Carron

Écoutez l'épisode maintenant

Découvrez la retranscription de l'épisode

SOLD OUT - Saison 1, épisode 03 : Mathilde Carron

- Bureaux de Delight (Paris), octobre 2019 -

Je savais que je voulais travailler dans le Milieu du Spectacle, plutôt dans la Musique.
Je suis entrée très tôt à J.M.D. Productions. J’y ai rencontré Amélie Brault, qui était Directrice de Productions.
C’est quelqu’un qui m’a passionnée, qui m’a appris ce métier. C’est grâce à elle que j’ai fait ce métier. C’est elle qui m’a passionnée avant même les Spectacles et ce Milieu. 

Je me suis toujours dit que la Communication et le Culturel étaient deux choses qui me passionnaient. Je voulais aller là-dedans. Après, me retrouver dans le Théâtre et l’Humour… c’est le destin, c’est la vie.

Au tout début, je suis entrée en tant que stagiaire. Très vite, ça a « matché » entre nous. Très vite, on a bien fonctionné ensemble. J’ai été embauchée et des choses ont grandi comme ça.
Je crois vraiment que c’est le destin. Je n’aurais pas eu ce stage-là, j’aurais été ailleurs (j’avais passé d’autres entretiens avant). J’ai été là, ça s’est fait comme ça. C’est ça qui est « chouette » aussi : la rencontre.

Peux-tu nous parler de J.M.D Productions, pour nos auditeurs qui ne connaitraient pas cette « boîte de Production » (il y en a quelques-uns, peut-être…) ?

C’est une « boîte de Production Théâtre / Humour ». Jean-Marc Dumontet est le Producteur, Amélie Brault est la Directrice de Production. Ils ont six Salles dans Paris, de 100 places à 900 places, dont Le Point-Virgule (la plus petite, qui est vraiment un lieu où l’on découvre plein de talents d’humour) et un festival. 

C’est une « boîte » qui a énormément grossi. Quand je suis arrivée il y a six ans, je ne crois pas dire de bêtise en disant qu’on était cinq ou six à Paris. Quand je suis partie, on était une quarantaine à Paris.
C’est une évolution incroyable. Ça a été fou de voir cette évolution-là, d’avoir commencé dans une « boîte » qui était assez artisanale et de finir dans une « boîte » où il y a six théâtres et une quinzaine d’Artistes.

Et pas n’importe quels théâtres ! Il y a Le Point-Virgule, Le Grand Point-Virgule, le Théâtre Antoine, le Théâtre Bobino, le Comédia (qui est devenu le Théâtre Libre) …
Travaillais-tu sur toutes ces Salles, ou sur une Salle ou un Artiste en particulier ?

J’étais plus sur la « Production pure des Artistes » : Fary, Alex Lutz, Nicolas Canteloup, François-Xavier Demaison…
On avait effectivement des liens avec les Salles. On disait souvent qu’on était « cousins ». Il y avait un lien familial : on se rendait service, on avait des intérêts communs. On était donc amenés à bosser ensemble.

Pour le Théâtre Antoine, c’était vraiment nous pour le côté Communication et Commercialisation.

Le cœur de ton métier, c’était vraiment le travail avec les Artistes pour commercialiser et faire connaître leurs séances, ou davantage encore ?

Dans un premier temps, c’était vraiment plus la Commercialisation et le Partenariat. Dans un second temps, encore une fois, les liens humains et la rencontre avec eux ont fait que pour des Artistes comme Fary ou Verino, par exemple, il y a eu quelque chose « d’humain et de cerveau » qui a « matché ». 

Cela nous a permis d’imaginer toute leur carrière, que ce soit en termes de Communication, de Marketing, de manière de vendre… Où est-ce qu’on allait capter ? Sur Netflix ou sur C8 ? Toutes ces choses-là.

Encore une fois, les liens humains et la confiance de Jean-Marc Dumontet et d’Amélie Brault ont fait qu’à moment donné je suis arrivée à ce poste-là : « avoir en charge la carrière des Artistes ».

Ce que tu es en train de nous dire c’est que tu peux entrer en stage dans une « boîte de Production » comme ça, et au bout de quelques temps, la « rencontre humaine » fait que tu peux travailler très intimement avec un Artiste sur sa stratégie de carrière…

C’est exactement ça. Ce ne sont vraiment que des rencontres. Je crois que c’est ça qui est « chouette » dans ce métier. C’est un métier de rencontres. 

A partir du moment où ça « fit » artistiquement et humainement entre deux humains, cela peut mener très loin.
Il y en a avec qui on a seulement « bien fait le travail », sans relation particulière, et il y a des gens avec qui (comme dans la vie, sans pouvoir l’expliquer) tu « fais des étincelles » et c’est « magique » !

Parfois, on imagine les Artistes un peu « dans leur bulle », différents des « gens des bureaux » … Ce n’est pas le cas ?

Je parlerai de ce que je connais : l’Humour. 

En Humour, pas du tout ! Tous les jours, j’ai les Artistes au téléphone. Tous les jours, on imagine des choses.
Des idées naissent, d’autres sont mortes avant même d’avoir vécues… [Rires]
Tous les jours, il y a un lien. Les chiffres les intéressent. Au moins une fois par semaine, on va les voir en spectacle.

Il y a un vrai lien : eux s’intéressent à la Production et nous nous intéressons à l’Artistique. On a vue sur le travail de l’autre.

Peux-tu nous donner un exemple d’une « aventure » que vous avez imaginée avec Fary ?

Très vite, Fary a été un « phénomène ». On remplissait énormément les Salles.
A moment donné, on avait un mois d’avance dans des Salles de 400 places. On faisait des « Théâtre du Châtelet », des « Olympia », etc… Tout se remplissait extrêmement vite. 

Un soir, on était en loge à la fin de son spectacle. On s’est regardés et on s’est dit : « C’est super cool ce qui arrive, mais est-ce qu’on ne « s’embête » pas un peu à remplir ces Salles et à vivre la chose sans… Sommes-nous différents des autres, finalement ? Non, car plein d’Artistes remplissent des Olympia ! ».

A son âge (à l’époque il avait 23 ou 24 ans), c’était assez fou !

Et toi, tu avais quel âge ?

23 ou 24 ans ! [Rires] Le même âge !

Je me permets de te poser la question car je crois que c’est important que vous ayez le même âge. Vous êtes un peu « frère et sœur » : vous êtes « nés » en même temps dans cette « boîte » …

On y est complètement « nés en même temps » !

Je suis arrivée six mois avant lui à J.M.D. Productions. Il était au Point-Virgule et je venais d’arriver. Je ne connaissais pas tant que ça le Milieu. Effectivement, on a « fait nos armes » ensemble.

Au début, on a réfléchi à « comment aller chercher le Public ? ». Une fois que ça s’est « envolé », on s’est retrouvés dans cette loge en se disant : « Qu’est-ce qu’on fait ? ». On a émis plein de pistes et de possibilités, de « Est-ce qu’on va s’amuser ? », et du jour au lendemain on s’est dit : « OK, on va faire une tournée inter-Paris. Chaque soir, on va faire une Salle différente à Paris et ça va raconter l’histoire ».

Fary avait commencé à Charenton avant-même d’arriver chez J.M.D. Productions. On a commencé (première représentation) à Charenton et on a fini en fin de semaine au Grand Rex : complet !.

C’est un « truc » qu’on a monté en 2 mois, qu’on a tout « réfléchi au visuel ». Au niveau de la Presse, il y a eu un avant et un après. Cela a permis à Fary d’avoir des choses qu’il n’avait pas avant. Il avait déjà cette différence physique et ça amenait déjà quelque chose de différent en termes de communication.

Quand on réfléchit, comme ça, à une stratégie de tournée, de Communication voire de Marketing, va-t-on jusqu’à influer sur le propos artistique, sur le look de l’Artiste ou sur un sketch qui peut se dérouler sur scène ?

Je crois que c’est la Scène qui « fixe le tout ». L’Artiste, par ce qu’il va amener sur scène, nous nourrit.
De cela, il y a une conversation qui amène à autre chose. Je ne crois pas que ce soit la Communication ou le Marketing qui « apportent la Scène » : la Scène est vraiment le cœur de tout.
Ce sont des sujets abordés. Quand on va voir ce que l’Artiste va dégager sur scène, on se dit : « OK, il dégage ça sur scène, donc cela doit aussi se ressentir dans la communication, dans les Salles qu’on va faire, dans la manière dont on va le présenter, sur la Presse qu’on va choisir ».

Pour Fary is the new black, Fary a fait très peu de Presse pour un premier spectacle. Du coup, la Presse le voulait !
On avait « sélectionné » parce qu’on voulait une certaine image. On était sur le point de signer avec un Distributeur et notre choix s’était porté sur Netflix parce qu’encore une fois : « Qu’est-ce qu’on fait de différent ? Est-ce qu’on fait comme les autres ou est-ce qu’on décide de faire différemment, en restant très humbles ? ».

Quelle est la particularité de chaque Artiste ? Quelle histoire veut-on raconter ?

Si on continue à parler un instant de Fary avant de passer à autre chose, il y a quand même eu cette « affaire de Netflix ». Tu en parles aujourd’hui simplement en disant : « On a essayé de faire un peu différemment », mais à l’époque, en France, il y avait beaucoup moins d’abonnés sur Netflix. C’était quand même beaucoup moins connu !

C’était quand même assez courageux de se lancer dans un « truc pareil »…

C’est surtout qu’à part Gad Elmaleh qui avait sorti un show en anglais (il était le seul Français à être sur Netflix à l’époque) et hormis les spectacles que Netflix avait achetés (qui n’étaient pas une « production Netflix »), Fary a été le premier Artiste Français produit par Netflix.

C’était assez fou. C’était un pari. Personne n’avait fait ça ! En termes de négociations et de communication, on avançait un peu tous « à l’aveugle », mais on avait décidé de démarcher Netflix !
Quand tu vas à Amsterdam ou à Los Angeles, Fary n’est « personne » (il faut être très honnête). Donc, tu fais « toc toc » et tu dis : « Coucou, c’est moi ! Je suis super ! Tous les « gros stand-uppers » sont sur Netflix : j’adore ça ! Je veux y être aussi ! ».

Du coup, à force d’expliquer qui était votre artiste et en quoi il était singulier, vous êtes arrivés à les convaincre…

Oui. Fary est hyper fort là-dedans. Lui-même s’est extrêmement impliqué. De toute façon, Fary ne fait rien sans s’impliquer. D’une manière générale, tous les « stand-uppers » avec qui je travaille et avec qui il y a eu ce « fit » sont des gens qui s’impliquent plus ou moins à chaque partie de la production et de la captation.

Pour la captation de Netflix, Fary est allé jusqu’au montage. Il voulait savoir où étaient les lumières et les caméras. Tout était extrêmement réfléchi.

Peux-tu nous raconter ce jour de la captation ? C’était au Cirque d’Hiver, c’est ça ?

On avait quelqu’un qui gérait la captation à proprement dit. On a fait trois représentations pour roder le spectacle. On a été très longs à se décider sur le lieu où on voulait le faire. On avait plusieurs pistes. On a eu trois « Cirque d’Hiver » à vendre en un mois et demi. Ça a été un challenge en plus de la captation de se dire : « OK, ça fait à peu près 6 000 places à vendre en un mois et demi ». Fary avait déjà joué pendant quatre ans : ce n’était pas un « one shot ». 

Il y avait donc déjà ce « premier truc » de dire : « Comment on vend ? ».
C’est grâce au Cirque d’Hiver qu’on s’est dit : « OK, il y a 70 % de la jauge du Cirque d’Hiver qui est vendu par le Facebook de Fary. C’est exceptionnel ! En termes de ventes, c’est incroyable ! ».

Le jour même, il y a toujours des aléas de dernière minute.
La deuxième représentation a commencé avec deux heures de retard parce qu’on avait du mal à faire entrer le Public : plein de places étaient vendues sur des sites illégaux… Bref !
Fary monte toujours sur scène avec un chewing gum.  A la dernière représentation, il monte sur scène en oubliant son chewing gum. Il regarde la caméra et dit, devant tout le Cirque d’Hiver (avec la captation Netflix) : « J’ai oublié mon chewing gum, il faut qu’on refasse cette entrée ! ». [Rires] C’était assez incroyable !

Nous avions un « grand Réalisateur ». Pendant qu’on captait, il disait : « C’est fou ! Fary « déroule » en sachant déjà ce qu’il va garder et ce qu’il va jeter ». A son regard fixe-caméra, on le savait. C’était assez incroyable à voir !
Tout a été pensé, des chaussures à la veste, au pantalon, aux lumières, au moment où il y aurait le cut

Tout a été extrêmement pensé, extrêmement réfléchi. Le Réalisateur avait aussi beaucoup d’inspiration.
 C’était assez passionnant.

Il faut savoir que tout ce que fait Fary (encore plus dans son deuxième spectacle : Hexagone), il le fait beaucoup pour le « Stand-up ». Quand il va à Bercy, au Théâtre du Rond-Point ou au Théâtre des Bouffes du Nord, il le fait aussi pour montrer que le « Stand-up » est un art. Je crois que ça fonctionne vraiment. La force de Fary, c’est ça. C’est sa force d’écriture, sa force de travail, ne pas seulement vouloir se mettre en lumière lui-même, mais mettre en lumière le « Stand-up ».

Quand il va ouvrir sa salle Madame Sarfati (un Comedy Club), ce ne sera pas « le Comedy Club de Fary » : ce n’est pas son objectif. Son objectif est d’avoir un lieu pour tous les Stand-uppers. Je crois que c’est sa force, vraiment.

Quand je t’ai rencontrée à l’époque de Jean-Marc Dumontet Productions, je pensais que tu étais vraiment la « personne du Digital », la « fille très technique » : tu étais à la pointe sur toutes les questions du Web Marketing, de la Data, du C.R.M…

Pour toi, est-ce indissociable de la discussion avec l’Artiste ?

C’est indissociable parce que c’est le meilleur moyen d’être en contact avec son public. La base, c’est ça.
Quand ils sont sur scène, les Artistes sont en contact avec leur public. Nous devons faire la même chose dans notre métier de Producteur : « A qui on parle ? Comment on leur parle ? Comment on récupère ces données ? Comment on les travaille ? ». C’est ça qui est intéressant.

Avec la société que j’ai créée (Le Label), les Artistes sont aussi là-dedans. Eux-mêmes réfléchissent à : « OK, je fais ça donc on pourrait récupérer des données, les utiliser… ».

On veut créer des Artistes qui sont « ensemble » : pouvoir travailler les données de l’un pour aller à l’autre (si tout le monde est d’accord, bien évidemment ! [Rires]).
Il y a aussi un « truc » très intéressant où les Artistes commencent à avoir conscience de ça. Quand Verino fait ses Dis donc Internet sur Youtube, il a conscience que ses abonnés sont des gens qui iront le voir en spectacle après.
La preuve est que ça marche très bien. 

Quand Jason Brokerss met une vidéo, ça remplit encore un ou deux mois de représentations. Ce sont des choses assez folles. De la même manière qu’eux ont conscience de leur public, nous, Producteurs, devons aussi avoir conscience de ce public et le « travailler » de manière intelligente.

Cela te paraît naturel, mais plein de Producteurs pensent qu’il suffit d’aller dans une salle, de « regarder le public », de le « sentir », et moins de « l’objectiver » ou de « l’analyser » comme vous avez pris l’habitude de le faire…

Je crois que les choses sont en train de changer.
Nous, on fait partie de cette nouvelle génération (la moyenne d’âge doit être de 29 ou 30 ans). Effectivement, nous-même consommons beaucoup de Digital. Encore une fois, sur le « Cirque d’Hiver » avec Fary : quand tu arrives à de tels taux de remplissage, ça te fait réfléchir à ton budget Communication et la manière dont tu fais les choses ! [Rires]

On fait partie de ce nouveau « moyen de Production », de cette nouvelle manière de produire qui est en train d’évoluer. En Humour (je n’irai pas sur d’autres domaines que je connais moins), on voit que de plus en plus d’Artistes souhaitent être en autoproduction et réfléchissent de plus en plus aux chiffres. Tous mes Artistes me demandent les chiffres tous les soirs (ce n’était pas forcément le cas avant). Ce sont des choses par lesquelles ils sont très intéressés.

On a une « Cigale » dans un mois. Tous les jours, Jason Brokerss me demande l’évolution de la Cigale. Je trouve ça très sain et très bien. Mercredi, on fait une réunion pour accélérer le rythme de vente. Il va me dire : « Je vais sortir telle ou telle vidéo », moi je vais lui dire : « En face, en Marketing on fait ça… Qu’est-ce qu’on peut faire ensemble ? ».
Tout est réfléchi « ensemble », pour toucher les gens.

Avant d’aller dans cette nouvelle « aventure » (dont on va parler dans un instant), il y a eu la décision de quitter J.M.D. Productions alors que cette « boîte » était dans une croissance phénoménale. C’est une « boîte » que tout le monde regarde en France et dans laquelle plein de gens ont envie d’aller bosser.

Cette décision n’était-elle pas trop dure à prendre ? Comment la prend-on ?

Elle se prend par rapport au tempérament. Quand je suis entrée à J.M.D. Productions il y a 6 ans et demi ou 7 ans, c’était une « boîte de prod’ » qui avait un nom à Paris, mais qui était encore à taille humaine. Maintenant (c’est super pour Jean-Marc et il est très fort là-dedans), c’est devenu une grosse entreprise.
Je m’y reconnais moins. Ce que j’aime, c’est « l’artisanat » (cela ne veut pas dire que tu ne peux pas faire de « grosses salles » et « t’amuser »). C’est « voir les choses différemment », repartir de la base et réfléchir au concept et au modèle. 

Quand tu es dans une « grande boîte de prod’ », il existe un certain modèle, que tu le veuilles ou pas.
Nous, on dit : « OK… On ne connaît rien du Milieu… Comment on fait pour chopper les gens ? ».
Dans nos budgets, cela se ressent complètement. Je ne gère plus du tout les budgets de la même manière.

Comme tu aimes bien « ne rien faire comme tout le monde », ce n’est pas un projet ou un modèle que tu as décidé de lancer, ce sont trois modèles ! On va essayer de parler rapidement de chacun d’entre eux.

La première « aventure » dans laquelle tu t’es lancée, c’est un « truc » qui s’appelle Le Label. Je dis « un truc » parce que je n’ai pas le droit de dire « boîte de Production » : tu n’aimes pas ce mot… [Rires] et tu penses qu’il faudrait, là encore, un autre paradigme. 

Peux-tu nous « raconter » Le Label ?

Le Label est un regroupement d’Artistes qui souhaitent s’auto-produire. Mais un Artiste a toujours besoin d’avoir des gens qui ont ce savoir-faire de Production pour l’accompagner : ce n’est pas lui qui va aller vendre les billets, acheter du métro, mettre en place tout ça. 

Ce que l’on souhaite créer, c’est une espèce de « famille d’Artistes ». Il est donc sûr que Le Label aura 5 ou 6 Artistes au maximum (je dis ça et si ça se trouve dans deux ans on sera 25…). Je ne sais pas si on arrivera là, ce n’est même pas un objectif qu’on s’est fixé. C’est juste qu’on veut quelque chose où il y a un sens et une histoire.

Tu travailles avec qui aujourd’hui ?

Au Label, il y a Djimo, Jason Brokerss et Lenny M’bunga. Pour l’instant, il y a ces trois Artistes-là. Après, on verra.
C’est parfait et ça me va. Avec ces Artistes, on fait déjà La Cigale, Jason Brokerss a 40 dates de tournée…

Je veux dire que ce n’est pas parce qu’on est « petit » et « en famille » qu’on ne voit pas les choses en grand !
On se lance dans 40 dates de tournée, on ne fait que les grandes villes, on se lance dans des « Cigale », on a des options sur des plus grosses jauges… et c’est « magique » !

C’est juste qu’on revient à la base et on se pose des questions sur TOUT !

Cela veut donc dire que ces Artistes souhaitent s’auto-produire, mais ont quand même besoin de services et d’expertises…

Oui. On sait très bien qu’il y a une certaine puissance à être à plusieurs. Quand on fait front commun sur quelque chose, c’est plus intéressant et on obtient d’autres choses. Il y a cet intérêt de se dire : « OK, on se tient tous la main ». Ils font tous les Premières Parties des uns et des autres, ils vont se voir en spectacle, ils se donnent des conseils. C’est ça qui est intéressant !

Prenez-vous un « risque de Production » au Label ? Cette société investit-elle également pour que ces spectacles existent ?

Oui, bien-sûr ! Quand on signe une « grosse jauge » et qu’on fait un chèque de loc’, on est comme tout le monde : on a les « petites gouttes de sueur sur le côté » mais on croit très fort en eux, en l’équipe qu’on est, et on se dit que ça va bien aller. Pour l’instant (je touche du bois), ça va bien ! [Rires]

Il y a un second projet qui s’appelle Mathilde & Geoffrey, qui n’est pas une « boîte de prod’ » …

C’est hyper humble… [Rires]

Il n’y a pas vos noms… ! [Rires] Qui est ce « Geoffrey », déjà ?

Alors, pardon ! J’aurais dû le dire depuis bien longtemps. Geoffrey est dans toutes les « aventures ». C’est avec lui que j’ai créé les trois entreprises. 

Que ce soit Le Label, Mathilde & Geoffrey ou la troisième entreprise, c’est vraiment « nous deux ». Je gère la partie « Commercialisation / Communication » et la partie « Digital », c’est lui. Je suis « chiante » et lui est « moins chiant » donc c’est lui qui gère la partie « Digital ».

Chez Mathilde et Geoffrey, on offre à des gens (sur des « one shot » par exemple) la possibilité de faire appel à nous sur la Commercialisation, la Communication : « Tu as du métro demain et tu veux faire une affiche », ou à l’inverse : « Tu veux monter une chaîne Youtube : on peut t’aider à la pousser », etc…

C’est rigolo parce que tu viens de dire : « Je suis chiante… », mais c’est un peu ta réputation, effectivement !

[Rires]

Vous êtes très « experts », très « pointus » pour aller comprendre, vraiment, comment « remplir » grâce au Digital…

Encore une fois, dans ce Milieu, tu as toujours l’impression que c’est « déjà acté » : il y a des habitudes, etc…
Ce que j’aime, c’est remettre en question ces habitudes, à tort ou à raison d’ailleurs…

Tester des « trucs » …

Tester des « trucs ». Des fois c’est super, et des fois…
C’est ce qu’on fait avec les Artistes sur Scène, c’est ce à quoi je pousse à faire les Artistes : « Testez ! ».

Quand Lenny M’bunga (notre plus « jeune » Artiste) monte sur Scène, je lui dis : « Teste ! Teste, et on verra… ».
On s’accorde ça aussi avec Geoffrey, on « teste ». Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas, mais il faut toujours tout remettre en question !

Finissons avec Stand-up Society. C’est quoi ça ?

C’est le « dernier bébé » [Rires], toujours dans cette continuité de se rendre compte du lien entre le Digital, la vente de places et les vidéos. Dans le Stand-up, une des manières de vendre des places est de sortir un passage de trois à cinq minutes sur les réseaux sociaux. On l’a vu avec Djimo : quand Montreux Comedy est sorti sur YouTube, pendant cinq mois ça nous a « rempli » l’Apollo Théâtre trois fois par semaine. C’est quand même assez « chouette » ! 

De ce constat-là, on s’est dit : « Pourquoi ne ferait-on pas une plateforme de consommation du Stand-up ? ».
Soit l’axe d’entrée est la vidéo, soit c’est l’achat de places, mais il y a une plateforme où on peut trouver les deux. 

On a aussi fait un autre constat.
Maintenant, tout le monde a compris ce « truc de vidéos ». Il y a six ans, quand on le faisait avec Fary et qu’on avait sorti Le legging, c’était « l’explosion » parce que peu de gens le faisaient. Maintenant, quand on va sur notre fil Facebook, le nombre d’Artistes qui sortent des vidéos est incroyable !
On s’est dit : « OK, on en a marre de voir 100 vidéos par semaine, on veut juste réduire les quantités et les sélectionner ».

On a fait un partenariat avec Konbini, qui s’appelle Stand-upper. Fary est le Directeur Artistique de ce concept de Stand-up un peu « travaillé » et monté avec une « touche Konbini ».

Ton entrée peut très bien être cette vidéo, et parce que tu vas avoir découvert Roman Frayssinet par exemple, tu vas vouloir acheter des places pour « Roman Frayssinet » et tu en auras la possibilité. A l’inverse, ton axe d’entrée peut être de vouloir acheter des places pour « Djimo », et tu vas découvrir une vidéo de Jason Brokerss…

En fait, c’est créer une « communauté du Stand-up ».

C’est un mélange entre une billetterie et YouTube, en fait ? 

C’est complètement ça. Exactement !

D’une certaine manière, l’idée est d’industrialiser ce cercle vertueux que vous aviez remarqué entre des posts sur les réseaux sociaux et les ventes de billets. 

C’est complètement ça, et en même temps de rester dans quelque chose de très artistique.
Par exemple, il y a une newsletter qu’on fait partir… Ça reste des coups de cœur qu’on a eu. On n’a pas pour vocation d’envoyer une newsletter avec 15 spectacles ou d’envoyer trois newsletters par semaine. 

On préfère envoyer une newsletter par semaine avec trois spectacles qui sont prêts et choisis en fonction de ce qu’on voit. L’un est une « découverte », l’autre est une « puissance », etc…

Après, ce sont des goûts. Tout est dans la Nature…

Il y a un mot que tu as employé au début de notre entretien, sur lequel je rebondis seulement maintenant à dessein, car je crois que c’est le point commun entre les trois structures. C’est le mot « cerveau ».
Tu aimes bien employer ce mot…

C’est vrai ! [Rires]

Peux-tu nous expliquer pourquoi ?

J’aime bien parler avec toi parce que je sens qu’il y a un « ping pong de cerveaux ». C’est ça qui m’intéresse.
Quand je discute avec Fary ou Geoffrey, il y a un « ping pong de cerveaux ». Je vais vers les gens comme ça parce qu’il n’y a que comme ça qu’on avance. J’aime cette confrontation des idées qui donne une idée finale.

J’ai l’impression que, pour toi, c’est même plus fort que les structures.
Ce qui compte le plus, c’est ce « ping pong » …

Oui, bien-sûr ! Il y a des Artistes (que je ne citerai pas) avec qui je continue de travailler sans que ce soit une « histoire de finances » entre nous. Je sais que quand je discute avec cette personne, il m’apporte plus qu’un chèque ! Il « m’apporte » et c’est ça qui me pousse à autre chose. 

Cela peut paraître très « bisounours », mais ça « m’apporte ».

Parlons maintenant du futur. Toutes les pistes sont ouvertes pour toi.

Est-ce que tu te vois rester dans le Stand-up ou est-ce qu’à un moment on va « ouvrir les chakras » sur d’autres domaines, et on te verra produire de la musique ? 

« Question de cerveau » ! Question de « qui j’ai en face ? », « qui va me fasciner ? » et « avec qui ça va « matcher ? ».
Quand tu vis dans un Milieu de Stand-uppers, tu rencontres beaucoup de Stand-uppers. Il faut aussi faire attention à ne pas trop s’enfermer. 

Je bosse aussi sur La Scala (très « théâtre », rien à voir) pour cette raison-là : ça m’apporte autre chose et ça me « fournit » artistiquement différemment. 

Pour l’instant, c’est plus le Stand-up. Je me vois évoluer dans le Stand-up.
On a créé Stand-up Society pour ça et c’est ce que je sais faire. Mon savoir-faire premier c’est « vendre du Stand-up » et surtout « développer des Artistes neufs ». C’est ce qui me passionne. Je préfère presque bosser sur un Artiste qui va faire une « 100 places » trois fois par semaine plutôt qu’un « Bercy » !

Voir l’évolution me passionne. Avoir vu Fary dans une « 100 places » et le voir à Bercy me passionne ! Une fois qu’il est à Bercy, c’est fait, c’est fini ! Enfin… ce n’est pas fini : il y a encore quelque chose à écrire mais… Ce qui me passionne, c’est le développement. Si demain je rencontre quelqu’un qui fait de la Musique (techniquement ça coûte cher, donc je ferai attention ! [Rires]) …

C’est là qu’on voit que tu as été élevée avec Jean-Marc Dumontet … [Rires]

Sérieusement (Geoffrey fonctionne pareil aussi), si ça « matche » au niveau du cerveau, on y va !

Dernière question : un conseil pour nos auditeurs qui auraient envie de travailler dans ce domaine-là ? Que ce soit dans le Stand-up, dans la Production ou dans les contenus de scène…

Mon dieu ! Ai-je vraiment l’âge de donner des conseils ? 

Un conseil : faire les bonnes rencontres et suivre ses envies. Vraiment.
Suivre ce qu’on « sent », ne pas forcément suivre ce que les gens vont dire. Des fois, sauter en parachute c’est génial… et ça marche !

TOUS LES ÉPISODES